Christie | That was a mistake

Tout a commencé lorsque je suis née, logique. Un père, une mère, et une grande sœur. Ma mère voulait Penelope, mon père voulait Christie, alors ma sœur a tranché, prenons les deux. Bien que je préfère largement Penny que Penelope. Heureusement, je suis tout simplement Christie. Je suis née à Seattle, j'y ai toujours vécu, même si quelques voyages scolaires ont peuplé ma monotone existence. Seattle, le grand Seattle... Personnellement je n'y ai jamais trouvé du charme, mais pourquoi pas. J'ai grandit ici, avec ma famille, à l'école j'étais la petite fille mignonne, la petite discrète qui écoutait bien en classe. A la maternelle j'aimais le jaune et le bleu et je détestais le rose. C'est toujours d'actualité d'ailleurs. En grandissant j'ai eu le bonheur de découvrir que mon père aimait les hommes, et qu'il quittait ma mère, pour un homme. Ô joie. Sentez l'ironie s'il vous plait. Je ne comprenais pas les choses à l'époque, et ma sœur Isis non plus. Elle l'a plus mal pris que moi de toute évidence, moi je ne comprenais pas les choses, encore une fois. Mais j'avais quoi, cinq ou six ans. Comment voulez-vous que je comprenne les choses de l'amour à cet âge, et de l'amour gay en plus. Ça n'existait pas dans ma tête, mais à mon souvenir je ne l'avais pas trop mal pris. J'avais accepté. Et puis mon beau-père était sympathique. Discret et timide, il devait sûrement se sentir de trop. Lui n'avait pas d'enfant, alors quand nous venions avec Isis, il avait toujours l'impression de marcher sur des œufs. Surtout que ma sœur ne mâchait pas trop ses mots envers notre père. Elle lui en voulait plus que je ne pouvais le réaliser à cet âge. Ça ne m'avait pas tant perturbée que ça, je restais la bonne élève à l'école même si j'essuyais les diverses moqueries de mes « camarades ». Cette bande de petites ordures vous voulez dire. Je répliquais toujours de la même façon. Au moins, moi, j'avais deux chambres, deux maisons, deux fois des grandes vacances dans l'année, et surtout, j'avais deux fois noël. Et toc. Sans compter Pâques, la petite souris qui soit disant se perdait en chemin et me déposait par erreur de l'argent sous mon oreiller. J'étais une personne assez crédule il fallait l'admettre. Je ne voyais pas le mal partout, j'étais plutôt épanouie dans ma petite vie. Même si j'ai assez mal vécu le véritable abandon de mon père. Isis l'avait deviné dès le début à croire, mais pour ma part, j'ai chuté de haut. Notre père ne venait plus vraiment nous voir, et si je n'insistais pas au téléphone pour qu'il passe nous prendre le week-end, parce qu'il ne fallait pas compter sur Isis pour ça, elle avait déjà lâché l'affaire, il ne venait jamais nous voir. En bref, il refaisait sa vie. Sans nous, sans moi. Mais ça n'a pas duré longtemps. Le timing a été parfait, dirons-nous.

Notre mère a rencontré quelqu'un. Un homme, fort sympathique, très avenant. Isis l'a détesté dès le début. Je ne voyais pas pourquoi. Il me faisait toujours des animaux en ballons, des chats, toujours plus de chats. Maman en était folle, mais Isis, elle s'en méfiait comme de la peste. Nous étions devenue vraiment très proches elle et moi, mais les sœurs restaient des sœurs, il y avait toujours des prises de bec. Parfois le sujet beau-papa en était une. Mais j'évitais le sujet quand je voyais sa réaction. A mesure que je grandissais je l'appréciais, il se comportait bien avec moi, il se montrait présent et attentif. Toujours le sourire, toujours tendre. Isis lui dépeignait un portrait absolument monstrueux et obscène. Maman disait qu'elle ne supportait pas de la voir heureuse. Donc apparemment, sous prétexte que Isis ne soit pas heureuse, personne ne devait l'être, tout ceci, d'après maman. Mais je n'y croyais pas vraiment, je mettais ça de côté, dans ma tête. Jusqu'au jour où je n'étais pas à la maison, j'étais chez ma meilleure amie, et en rentrant Isis disait à qui voulait l'entendre qu'il l'avait frappée. Je n'en croyais pas mes oreilles. Maman était vraiment fâchée après elle, elle ne disait que des mensonges. J'étais restée perplexe mais je voyais mal notre beau-père frapper Isis. C'est vrai après tout, elle ne l'aimait pas, mais lui ne lui en tenait pas rigueur, il faisait des efforts pour aller vers elle parfois, c'est Isis qui le repoussait toujours. J'avais hoché les épaules ce jour-là, il n'y avait pas de preuve, c'était sa parole contre la sienne. Et même si le sujet revenait régulièrement sur le tapis, il était toujours balayé d'un revers de main de maman « Arrête de mentir, c'est laid sur le visage d'une jeune fille. » Et chaque fois que ça arrivait, maman me rassurait dans la chambre, me disant que non, il ne frappait pas Isis. Elle traversait une période difficile disait-elle. Je l'ai crue, je l'ai toujours crue.

Pour ma part la vie suivait son cours, je passais mon temps le nez dans mes bouquins. Mes amis se moquaient de moi, mais j'étais bien entourée. Ils se moquaient gentiment, j'avais plein d'amis. J'étais une bonne élève, toujours la même ligne droite, j'étais toujours très fière de ramener des bonnes notes à la maison. Je n'aimais pas me faire remarquer sous forme de rébellion comme pouvait le faire Isis. Tout le monde me disait de ne pas prendre exemple sur elle. Je répondais toujours que chacun avait son caractère et qu'Isis était plus forte que moi pour s'affirmer, mais ils n'en avaient que faire. Ils la faisaient toujours passer pour le vilain petit canard, et même si je la défendais autant que je pouvais, bien qu'elle l'ignorait, mes mots n'avaient aucun effet sur ma famille. À croire que j'étais la seule à croire en elle. Quelle ironie, encore une fois. Ma sœur avait disparue. Ma mère s'en fichait si je me fiais à sa réaction. Elle réapparut quelques jours plus tard, elle s'était cachée volontairement chez Vic sa meilleure amie. Je l'aimais beaucoup elle aussi, elle prenait soin d'Isis et c'était depuis qu'elles se connaissaient que Isis était plus dure et plus forte. Elle ne se laissait plus faire et si j'avais des problèmes à l'école, elle débarquait pour mettre les points sur les « i ». Pas besoin de grand frère, j'avais ma grande sœur. Avais, était le mot juste. Elle prit la fuite à quinze ans. Je me retrouvais sans mon repère, sans savoir pourquoi. Je ne la voyais jamais en cours, même en restant des heures devant son école. Et maman... N'avait rien fait. Elle s'en fichait à présent, elle disait que Isis était un fléau pour cette famille et que son départ était une bénédiction. Je ne voyais pas pourquoi elle disait ça. Alors elle surenchérissait toujours pour me dire à quel point ma sœur était une plaie. Je finissais par la croire, et comme je n'avais jamais de nouvelles d'elle, j'avais fini par me dire que finalement, elle ne m'aimait pas.

Je grandissais, j'étais au lycée à présent, j'avais réussir à entrer dans l'équipe de pom-pom girl, et je sortais avec le quarterback. J'étais heureuse, même si l'absence de ma sœur pesait. Je ne voyais plus mon père non plus, j'avais simplement un appel pour mon anniversaire, pour noël, et la nouvelle année. Maman percevait de l'argent, mais je me disais que je n'en verrai jamais la couleur. Le beau-père buvait de plus en plus. Un soir alors qu'il était devant la télévision, je faisais mes devoirs sur la table du salon tranquillement, maman était absente, bloquée au travail. Pendant la pause pub, il s'était levé pour chercher une bière et s'était arrêté avant d'aller dans la cuisine. Il me fixait avec un sourire en coin. Je le lui rendis, lui demandant pourquoi ce blocage soudain. « Ah.. Si tu n'étais pas ma fille... » Je ne l'étais pas. Mais ses paroles me firent froid dans le dos. J'avais bien grandit, je n'étais plus l'enfant qu'il avait connue. J'avais quinze ans, j'avais perdu ma virginité trois mois plus tôt et maman l'avait crié sur tous les toits. Oui, j'avais eu froid dans le dos. Je lui avais sourit avant de lui répondre que j'étais contente d'être sa fille. Je savais que je venais probablement d'éviter un moment gênant. Comment pouvait-il me dire ça ? Je remettais mes lunettes correctement et fourrais mon nez dans mes cahiers, pour cacher mes joues rouges de honte. Il avait reprit place sur le canapé, lâchant un rot sonore. Je préférais ça. Mais à ce moment là j'avais les idées ailleurs. Je repensais à ma sœur, ma sœur disparue de la circulation depuis des années. Elle m'avait toujours dit que ce type était un pervers. J'avais rigolé à l'époque. Et si elle avait eu raison ? Je chassais tout ça de ma tête. Isis voulait juste attirer l'attention. Hein maman, elle voulait juste ça, pas vrai ?

J'emménageais dans mon premier appartement. Il n'était pas très grand, pas super adapté, mais j'avais un balcon, avec une vue splendide. J'avais de quoi m'aménager un coin lecture, et un lit pour dormir. Le paradis sur terre. Je serrais ma mère et mon beau père dans mes bras. Le bras de ce dernier s'attardait beaucoup dans mon dos. Je n'y voyais pas de mal. Mais il descendait, progressivement. Je m'échappais rapidement de son emprise avant d'aller m'émerveiller sur la vue que j'avais. Ma nouvelle vie commençait, même si Isis manquait toujours à l'appel. Introuvable. J'avais essayé, mais je tombais le plus souvent sur du porno. Ce n'était pas ce que je cherchais, alors j'avais abandonné. Je travaillais dans la librairie se trouvant deux rues plus loin. Ma patronne avait été ravie de se trouver des bras en plus. Elle disait que les passionnés ne courraient pas les rues. J'avais sourit poliment, et signé mon contrat. Grosse fête à la maison deux semaines plus tard. Et deux ans plus tard, elle m'avait laissé les clefs de la boutique, elle prenait une année sabbatique et comptait sur moi pour tenir l'entreprise. J'avais le cœur gonflé de fierté. Ce jour-là, j'avais décidé de faire comme les grands, et boire un café. Un café immonde, qui passait clairement de travers. Surtout en tombant nez à nez avec Isis. Enfin, la voilà. Mais l'accueil était froid. Et tout tourna au règlement de compte. Comment tout cela avait-il pu finir ainsi ? Je l'ignorais. Mais ce que je savais, c'était qu'Isis m'en avait balancé plein la tronche, avant de sortir en trombe du café, jetant un dernier « tu ne sais rien » avant de claquer la porte. Ce jour-là j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. Même si je savais au moins une chose. Ma sœur était en vie, à Seattle, et bien vivante. Remontée comme un coucou.