« Regarde papa ! Je suis un policier qui met les méchants en prison ! Pan Pan ! » Du haut de mes cinq ans je courrais à travers le salon, faisant des roulades et tenant un faux pistolet. Le rire sonore de mon père résonna dans toute la pièce. Il ne manqua pas de lever les mains en l’air alors que je procédais à son arrestation avec maladresse. Mon père était mon héros et je voulais lui ressembler depuis mon plus jeune âge. J’idéalisais son travail : même Batman n’arrivait pas à sa cheville ! Mon père c’était le plus fort. Ma mère fit son apparition avec un plateau de cookies. J’oubliais rapidement mon envie de mettre mon « méchant papa » en prison et me jetais sur la table pour attraper le plus gros cookie. Je n’en oubliais pas pour autant d’en glisser un le plus discrètement possible dans ma poche.
« Mateo… Tu connais les règles ! » Je tentais une petite tête déçue, mais impossible de la faire céder. Dans un grand soupir, je reposais le cookie, me contentant de celui que j’avais commencé à croquer.
« Papa, je suis grand maintenant tu sais… » Cette phrase était toujours synonyme d’une requête exubérante de ma part. La dernière fois j’avais demandé à mon père un cheval, la fois précédente une cape pour devenir un vrai super héros.
« L’année prochaine, je vais chez les plus grands et tu m’as dit que quand on est grand on peut faire du sport. Moi je sais ce que je veux faire : Je veux faire du basket ! » « Callaghan tu rentres sur le terrain. » Mon père m’avait écouté et m’avait inscrit peu de temps après dans un club de basketball. Je n’étais pas un excellent joueur, mais j’avais le mérite d’être le plus persévérant. Je continuais de m’entraîner jusqu’à la fermeture de la salle après l’entraînement des grands et même le week-end à la maison. Les murs de ma chambre étaient couverts de maillots des plus grands joueurs de la NBA. Mes parents ne comprenaient pas vraiment cette addiction au sport et commençaient même à se demander s’ils ne devraient pas s’inquiéter. J’avais treize ans et je disputais mon premier véritable match après des mois sur le banc des remplaçants. Il faut dire que j’étais petit et fin. Pas vraiment le Basketteur idéal. Le coach me faisait enfin confiance ! Il n’était pas question pour moi de le décevoir. Je me donnais corps et âme sur le terrain et mes années d’effort servaient enfin à quelque chose. Je marquais les 6 points nécessaires pour remporter le match. Une victoire mémorable ! A partir de ce moment, le sport rythma mon adolescence jusqu’à mon entrée dans l’équipe officielle du lycée. J’étais connu comme l’un des meilleurs joueurs du coin et je ne tardais pas à attirer les regards de recruteur qui m’accordèrent même une bourse. En tant que joueur, je jouissais également d’une certaine popularité. J’étais invité à toutes les fêtes, mangeais à la meilleure table et avait des amis que beaucoup m’enviait. Mais pour tout avouer, ça ne m’intéressait pas vraiment. Les filles non plus d’ailleurs. J’avais certes quelques copines mais jamais rien de très sérieux. Elles m’ennuyaient, ce qui avait tendance à désespérer mes meilleurs amis. Je n’avais surement pas encore trouvé la bonne.
Soirée déguisée. J’étais toujours partant pour ce genre de soirée. J’adorais me déguiser, mais cette fois j’abandonnais le costume de policier. J’enfilais l’uniforme du quaterback du lycée. L’idée d’échanger nos postes et nos disciplines nous tordait de rire. Il nous en fallait peu. Un verre à la main j’avais passé la soirée à discuter avec mes amis du lycée, à flirter avec quelques demoiselles qui souhaitaient attirer mon attention. L’une d’entre elles réussit… Sans le vouloir. Je me souviendrais toujours de Rebekah dans son déguisement de chat sexy. Elle était simplement parfaite ! Je n’avais pas hésité une seule seconde à aller à la voir. Il fallait que je lui adresse la parole.
« Bonsoir joli chaton. » loin de se laisser décontenancer, elle me gratifia d’un miaou. En une fraction de seconde, je tombais sous le charme. Cette soirée fut le début d’une belle histoire d’amour. 2 ans de bonheur parfait. J’avais trouvé la perle rare, la petite rousse qui faisait chavirer mon cœur. Ce n’était pas un amour d’adolescent, c’était bien plus que ça et nous en étions tous les deux conscients. Elle était mes premiers je t’aime, mes premiers émois. Elle était le centre de mon univers, ni plus ni moins… Malheureusement … Toutes les bonnes choses ont une fin.
Quitter Rebekah fut l'épreuve la plus difficile de mon existence. Je n'avais pas eu le choix. Mes parents avaient décidé de déménager à l'autre bout des États-Unis, à Chicago pour permettre à ma mère de poursuivre sa carrière. J'avais protesté pendant des semaines avant de me rendre compte que je n'avais pas le choix. Je n'étais pas encore majeur, incapable de me débrouiller seul. J'avais refusé de lui imposer une relation à distance. J'avais eu besoin de la protéger, de me protéger. Mieux valait-il une rupture rude, mais qui nous permettrait de nous reconstruire. Pourtant, je savais au fond de moi que je ne réussirais pas à l'oublier. Jamais. Les premiers mois à Chicago furent une véritable torture. Je ne connaissais personne et avais beaucoup de mal à trouver ma place. J'avais des amis, mais ce n'était pas pareil. Je n'avais pas l'ambiance de Seattle, les soirées avec les amis d'enfance. J'avais beau faire ce que je voulais j'étais un étranger... Et puis le fantôme de mon amour d'adolescent me suivait partout où j'allais. Chicago apporta également son lot de malheur à ma famille : mon père se tua quelque temps plus tard dans un accident de voiture en revenant du travail... La fatigue au volant selon les experts. Ce fut un véritable choc. J'étais anéanti. Sa disparition mit fin à mon adolescence.
« Mon chéri, qu'est ce que tu en penses ? » Je revenais d'un seul coup sur terre alors que défilaient devant moi des dizaines de compositions florales. J'avais rencontré la jeune femme deux ans auparavant. Elle était douce, adorable... parfaite en apparence. C'était la fille d'un collègue de mon père. Elle avait eu très tôt le coup de coeur pour moi et j'avais fini par céder. Je devais tirer un trait sur mon passé. Définitivement. Je n'étais plus un adolescent, mais un homme. J'étais devenu inspecteur de police comme mon père et commençais à grimper petit à petit les échelons. J'avais l'impression de reprendre ma vie en main et c'est dans un élan de changement que je lui avais demandé de m'épouser. Il ne faut pas s'y tromper, je l'aimais vraiment, mais... il manquait toujours ce petit quelque chose que j'avais ressenti avec Rebekah. A l'approche du mariage, je commençais de plus en plus à avoir peur. Et si j'étais en train de faire une terrible erreur ? Je secouais la tête.
"Je vais aller faire un tour." comme d'habitude, je fuyais face à la réalité. Ce comportement finit par exaspérer ma fiancée au plus haut point. Je n'avais même plus la force de lutter. Le mariage fut annulé.
" Lieutenant Callaghan ? C'est un plaisir de vous accueillir parmi nous." Je hochais la tête avec un sourire avenant. J'étais de retour à Seattle. Je travaillais dans le même hôtel de police que celui qui avait vu mon père évoluer. Je me sentais beaucoup mieux. Le déménagement s'était décidé rapidement et sereinement. Ma mère avait retrouvé quelqu'un et je pouvais la laisser en la sachant en sécurité et avec tout le soutien dont elle avait besoin. Elle avait compris que j'avais encore des choses à régler là-bas et que je ne pourrais être heureux sans y être retourné. Avec sa bénédiction je m'étais envolé... J'étais à nouveau à ma place.