Welcome back to the past my love | Mateo

Aujourd’hui était un jour spécial, Rebekah le sentait. Elle avait comme un étrange pressentiment en se levant de son lit pour commencer sa journée. Aujourd’hui n’était pas tout à fait une journée ordinaire. Comme sa mère, la jeune femme était née avec un don particulier. Un don qui avait permis à Caroline Reynolds d’aider la police sur certaines affaires par le passé. Elle ne voyait pas les morts, non, nous n’étions pas dans une série fantastique. Pourtant, elle était capable de ressentir des choses que d’autres personnes ne percevaient même pas. Elle avait une intuition quasiment infaillible et une empathie certaine. Enfin, ses rêves n’étaient jamais anodins quand ils concernaient des personnes vivantes ou disparues. Le soir de la disparition de Caroline, la fillette avait rêvé de sa mère. Le jour de la mort de sa grand-mère, cette dernière lui était apparue en rêve. Rebekah Reynolds était une femme unique, particulière. Il n’y en avait pas deux comme elle.

Comme sa mère avant elle, il lui arrivait d’aider la police sur des affaires épineuses, des affaires que la police avait du mal à boucler, faute de preuve ou d’indice crucial. Aujourd’hui, le capitaine de la police de Seattle l’avait contacté parce qu’il avait besoin de son aide sur un dossier sensible. En effet, la fille d’un homme politique avait disparu depuis une semaine et l’enquête piétinait. Rebekah était le dernier espoir du capitaine. Elle s’était levée de bonne heure pour prendre sa douche et avaler son petit-déjeuner. Cependant, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que quelque chose clochait. Quelque chose se préparait, elle le sentait mais ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Elle détestait ressentir ce genre de chose. Ces mauvais pressentiments qui prennent aux tripes. Comme une sorte de paranoïa qui s’installe sans qu’on ne puisse la contrôler. Qu’est-ce qui pouvait bien arriver de si dramatique pour que cela la travaille à ce point là ? Après tout, elle avait déjà collaboré avec la police par le passé. Même si la dernière affaire en date remontait à l’année dernière.

Une fois prête, elle quitta son appartement pour monter dans sa voiture et rejoindre le poste de police. Elle mit de la musique pour aider son esprit torturé à se détendre mais c’était peine perdu. Quelque chose allait se passer et elle ne pouvait rien y faire. Résignée et ne sachant pas trop à quoi s’attendre, elle se gara sur le parking du commissariat et descendit de sa voiture. Elle entra à l’intérieur du bâtiment et s’annonça auprès de l’agent d’accueil. Celui-ci la fit patienter avant de passer un coup de fil à son supérieur. Rebekah patienta sagement quelques minutes et le capitaine ne tarda pas à faire son entrée. « Bonjour Mademoiselle Reynolds ! J’espère que vous allez bien ! » Lança-t-il joyeusement, visiblement content de voir la jeune médium. « Bonjour Monsieur Parker, tout va bien merci. » Assura-t-elle en serrant la main ferme qu’il lui tendait. « Bien, vous allez collaborer avec l’un de nos nouveaux lieutenants sur cette affaire, c’est lui qui vous fera un topo de la situation. » La jeune femme lui emboita le pas lorsqu’il se mit en route vers les bureaux de ses employés. « C’est une affaire assez sensible comme je vous l’ai vaguement expliqué alors toute aide sera la bienvenue. » Elle se contenta de hocher la tête pour toute réponse. La capitaine finit par s’arrêter devant une porte. Il posa sa main sur la poignée avant de l’ouvrir vivement. « Callaghan ! Voici la consultante dont je vous ai parlé ce matin, c’est elle qui vous accompagnera sur cette affaire. » Callaghan. Elle connaissait ce nom… Lorsqu’elle posa ses yeux sur son nouveau « coéquipier » son cœur loupa un battement. Sa respiration se coupa. Elle dut serrer la mâchoire avec force pour ne pas laisser échapper sa surprise. Lui. Lui. Comment était-ce possible ? Des tas de souvenirs la submergèrent alors que le capitaine reprit la parole. Elle ne l’écoutait même plus. « Lieutenant Callaghan, voici Rebekah Reynolds. » Il fit des présentations inutiles puisque l’un et l’autre se connaissaient déjà. Comment pouvait-on oublier son âme sœur ? Garder son sang froid et paraitre impassible lui demanda des efforts surhumains mais elle y parvint et tendit sa main vers lui pour le saluer. « Bonjour, Lieutenant. »

Le capitaine finit par s’éclipser, les laissant seuls pour que Mateo lui donne les détails de l’affaire. A présent, elle savait d’où lui venait ce pressentiment étrange. Ce poids qu’elle avait senti peser sur elle toute la matinée. Le poids de son passé.

En ouvrant les yeux ce matin, elle avait senti que cette journée ne serait pas ordinaire. Comme quoi, son intuition ne la trompait jamais. Encore une fois, elle était tombée juste, même si elle n’aurait jamais pensé retomber sur le seul homme qu’elle avait véritablement aimé – et qu’elle aimait toujours bien sûr. Comment oublier Mateo Callaghan ? Comment oublier son premier et unique amour ? Ce n’était pas possible et aujourd’hui, dans ce bureau de la police, elle se reprenait ses souvenirs, son amour et sa douleur en pleine face. Tout à la fois. C’était un cocktail assez particulier à appréhender. Le hasard était assez étrange. Pourquoi le remettait-on sur sa route ? N’était-il pas parti à l’autre bout du pays, dix ans auparavant ? Dix années s’étaient écoulées, pourtant, Rebekah n’était jamais parvenue à véritablement tourner la page. L’eau avait coulé sous les ponts et le fantôme de son amour perdu l’avait hanté jour après jour, se faisant plus discret par moment, mais il avait toujours été présent.

Aujourd’hui, il se trouvait bien là, debout face à elle et bon sang ce qu’il était beau. Mateo avait toujours été un bel homme bien évidemment. Avec un petit charme à l’italienne grâce à ses origines. Le temps n’avait pas d’emprise sur lui, ou plutôt, il s’était bonifié avec l’âge. Il avait pris quelques années, ça se voyait, mais cela n’enlevait rien à son charme, bien au contraire. Le revoir était à la fois source de plaisir mais également de douleur. C’était assez difficile à expliquer mais elle ressentait bel et bien les deux choses en même temps. Face au capitaine de police, la rouquine fit bonne figure, du mieux qu’elle le put du moins. Elle tendit la main vers son nouveau collègue pour le saluer et ce dernier en fit de même. Lui aussi était perturbé, Rebekah pouvait le ressentir. Quoi de plus normal ? Que faisait-il à Seattle ? Avait-il refait sa vie ? Avait-il une famille, une femme et des enfants ? Une petite part d’elle-même espérait que non, égoïstement. Il l’invita à entrer et le capitaine ne tarda pas à les laisser seuls dans le bureau.

La jeune femme, si pleine d’assurance d’ordinaire, n’en menait pas large à l’heure actuelle. La dernière fois qu’elle avait vu Mateo, elle avait pleuré toutes les larmes de son corps. Elle s’autorisa enfin à respirer lorsqu’elle l’entendit prendre la parole. « Moi non plus… » Personne n’aurait pu le prévoir et leur passé rendait la situation assez délicate. « Je pensais que tu étais parti à l’autre bout du pays. » Quand était-il revenu ? « En tout cas, ça a l’air d’aller pour toi ? » Mis à part le choc de la revoir, il semblait être en pleine forme. Pas vraiment à l’aise, elle frotta les pans de sa robe comme pour la remettre en place, alors qu’elle l’était déjà parfaitement. « Je ne m’attendais pas à te revoir un jour, c’est… perturbant. » Et le mot était faible, c’était carrément déstabilisant.

Depuis que Mateo avait quitté la vie de Rebekah, elle avait tenté de passer à autre chose. Ce garçon avait été sa première vraie histoire d’amour, son premier coup de cœur, le premier à avoir fait chavirer son cœur. Après lui, elle n’avait plus jamais ressenti ce sentiment si spécial, ces papillons dans le ventre, cette sensation de bien-être en sa présence. Elle n’avait plus jamais retrouvé ça depuis qu’il était parti. En vérité, elle n’avait jamais réussi à tourner la page. Bien sûr, beaucoup de personnes étaient passées dans son lit, hommes comme femmes. Cependant, aucun d’entre eux ne l’avait fait vibrer autant que Mateo. Personne ne lui était jamais arrivé à la cheville. Il avait toujours trotté dans un coin de sa tête. Elle s’était efforcée de l’oublier, de rencontrer le maximum de gens possible, de multiplier encore et encore le nombre de ses conquêtes mais rien n‘y faisait. Mateo était toujours là, quelque part dans sa tête.

Et aujourd’hui, il se retrouvait debout devant elle. En chaire et en os. Cette fois, il était bien réel. Une vague de chaleur la submergea lorsqu’elle croisa son regard. Si elle avait pu, elle aurait arrêté le temps pour pouvoir le détailler dans les moindres détails. Mais elle n’était pas là pour ça. Quand le capitaine quitta la pièce pour les laisser seuls, elle eut une envie folle de le toucher, de sentir sa peau sous ses doigts pour s’assurer qu’il était bel et bien là. La jeune femme si sûre d’elle en règle générale perdit son aplomb légendaire. Elle était comme une petite fille face à quelqu’un d’important. Mateo ne faisait par le fier non plus. Elle n’avait connu bien plus éloquent et confiant. Il prit la parole pour rompre le silence pesant et s’appuya sur la table. Rebekah ne le quittait pas des yeux, ne perdant pas une miette de chacun de ses gestes, même le simple clignement de ses paupières était envoutant. Il avait toujours la même voix agréable à entendre. Toujours le même air à croquer. Il lui avait fallu un temps infini pour reprendre sa vie en main après son départ. Elle avait eu du mal à s’en relever. Mais maintenant qu’il était de retour, tout ce qu’elle avait bâti semblait s’effriter. Il était la tornade qui allait balayer ses défenses tel un pauvre château de cartes. Etait-elle vraiment en forme ? Dans tous les cas, elle avait connu des jours meilleurs. Elle haussa les épaules. « Ça va. » Même si elle avait perdu sa grand-mère quelques mois auparavant.

Il était dans le même état d’esprit qu’elle et rapidement il sentit comme le besoin de justifier sa présence ici, son retour à Seattle. Rebekah l’écouta sans rien dire. Elle s’était posé la question bien sûr. Une histoire de promotion, de succession et il était là. « Je vois, il y a des occasions qu’on ne peut pas laisser passer. » Et au niveau de sa vie privée, où en était-il ? Cette question lui brûlait tellement les lèvres. Avait-il réussi à refaire sa vie lui ? Etait-il parvenu à l’oublier et à passer à autre chose ? Où était-il lui aussi hanté par le passé ? Des tonnes de questions se bousculaient dans sa tête mais Mateo attrapa le dossier de l’affaire et reprit la parole sur un ton plus professionnel. Elle s’approcha un peu plus de lui, pensant qu’il allait lui montrer des papiers, mais il n’en fit rien. En revanche, sa question la surprit. « Oh, euh oui bien sûr. » L’un comme l’autre ne devait pas laisser le passé interférer sur leur travail. C’était perturbant de devoir travailler avec lui, mais elle y arriverait. Il le fallait bien. « Cette fille a besoin de toute l’aide possible. » Elle glissa une mèche de ses cheveux derrière son oreille et croisa les bras. « Et puis ton chef compte autant sur moi que sur toi pour régler cette histoire. On ne va pas le décevoir. » Lança-t-elle avec un faible sourire. La vie d’une fille était en jeu, il n’y avait pas d’hésitation à avoir. « Je veux bien que tu me donnes un peu plus de détails s’il te plait. »

Rebekah, pourtant si sûre d’elle en règle générale, avait tout perdu de sa superbe. Elle n’avait jamais été comme ça avec personne, si vulnérable. La rouquine n’était pas une femme timide, loin de là, jamais elle n’avait paru si peu sûre d’elle avec qui que ce soit. Mateo lui-même ne l’avait sans doute jamais vue comme ça. Même au moment de leur rencontre, le jour de cette fameuse soirée, elle avait eu plus d’assurance. Là, c’était comme si elle se retrouvait dans le corps d’une adolescente qu’elle ne connaissait pas. C’était perturbant, déstabilisant, déroutant. Revoir cet homme qu’elle avait pensé ne jamais recroiser de sa vie était un véritable choc. Son cœur battait si fort qu’elle avait l’impression qu’il allait exploser ou sortir de sa poitrine. Sans oublier qu’elle avait très chaud d’un seul coup. Et son parfum… Lorsqu’il fut à proximité, il vint lui chatouiller les narines pour la submerger totalement. Certaines choses n’avaient pas changé. Son odeur était toujours enivrante. Elle avait tellement de questions à lui poser, pourtant il fallait se concentrer sur l’enquête. Des gens comptaient sur eux.

Mateo attrapa le dossier de l’enquête mais avant de se plonger dedans, il voulait s’assurer que Rebekah était d’accord pour travailler avec lui. Oui, en effet, c‘était la base. Si elle n’était pas d’accord, il était inutile de rentrer dans les détails et tout le monde pouvait rentrer chez soit. Bien sûr qu’elle accepta. Même si travailler avec lui serait un véritable défi pour elle et ses émotions, elle allait devoir se faire violence et avancer. De toute manière, elle n’avait pas vraiment envie de le quitter à l’heure actuelle. Il l’attirait toujours comme un aimant. Son sourire lui fit rater un battement et elle sentit le rouge lui monter légèrement aux joues. Bon sang Bekah ! Ressaisis-toi ! « En effet. » Ah ça pour avoir la pression, ils l’avaient, c’était certain. Mateo déposa les documents et les photos sur la table et Rebekah s’approcha davantage pour mieux voir. Elle reporta son attention sur lui cependant lorsqu’il lui expliqua les évènements, pour s’imprégner au mieux de l’affaire. « C’est bizarre oui. Les parents devraient être affolés. Je suppose que l’hypothèse de la fugue a déjà été écartée ? » Sinon le cas aurait été résolu, mais mieux valait poser la question quand même.

Il lui tendit quelques clichés et elle les récupéra pour jeter un œil. Elle hocha la tête au fur et à mesure de ses paroles et se mit à sourire lorsqu’il évoqua ses propres souvenirs. « C’est toujours plus drôle quand tu sais qui va voir ces images… » Lança-t-elle en riant légèrement avant de se stopper. « Et si… Et si elle savait qui verrait ces images ? Est-ce qu’elle connaissait quelqu’un qui y avait accès ? Peut-être… Je ne sais pas, peut-être qu’elle a voulu qu’on la remarque parce qu’elle savait qu’elle allait partir ? Une fugue peut-être pas mais… Et si c’était prémédité de sa part ? Après tout, c’est facile de disparaitre par soi-même. » Avait-il pensé à cette piste ? Peut-être, peut-être pas. Toujours est-il que c’était assez étrange que personne ne s’inquiète davantage dans l’entourage de la jeune fille. « Elle menait quel genre de vie avec sa famille ? Est-ce qu’il y avait des tensions ? Des conflits ? Des choses que ses parents lui imposaient peut-être avec lesquelles elle n’était pas d’accord ? » Bon, ça faisait pas mal de questions d’un coup et la réponse n’allait pas leur sauter aux yeux aussi vite. Il allait leur falloir un peu de recul pour analyser les indices qu’ils avaient. « Est-ce que tu as des personnes à interroger ce matin ? Ou des lieux à inspecter ? » Peut-être pouvaient-ils y aller ensemble ? Après tout, ils n’allaient pas rester enfermés dans ce bureau pendant des heures.