SAW | De tous les dangers, le plus grand et le plus réel, c'est la peur

Je ne me sentais pas bien. Mon estomac était noué, mon cœur battait à tout rompre, j’avais la sensation d’avoir la tête qui tournait et ma respiration se fit saccadée. J’avais peur, j’étais terrorisé, terrifié, pétrifié par la crainte de revivre cet événement marquant de ma vie. Ma sœur se trouvait à à peine deux mètres devant moi, bras tendus dans ma direction. Je ne parvenais pas à comprendre ce qu’elle me disait tant mon cerveau se trouvait noyé sous la panique grandissante, mais le ton de sa voix se voulait encourageant. J’avais de l’eau jusqu’à la taille mais tout mon corps était crispé comme pas possible. Je parvins à rejoindre ma sœur et j’agrippais fermement mes mains aux siennes. Je m’y accrochais comme si ma vie en dépendait. Cela pouvait sembler complètement stupide d’avoir une peur bleue de l’eau. Pour ma part, cela résultait d’un traumatisme de mon enfance. Je devais avoir cinq ans à cette époque. Ma famille et moi avions rendu visite à des amis qui possédaient une très jolie maison, avec un petit chien qui avait l’habitude de me courir après et une grande piscine pour profiter d’un rafraîchissement sous la chaleur de l’été. Il s’agissait justement d’un jour de juillet mais le soleil ne tapait pas tant que ça. Mes parents discutaient sur la terrasse avec leurs amis alors que je jouais avec le chien sous leurs regards attentifs, non loin d’eux. Ma sœur étant petite, elle faisait une sieste. J’entendais les rires de mes parents, mais à mon jeune âge, je n’y prêtais pas grande attention. A vrai dire, c’est sur le chien que j’étais focalisé. Il courait partout et je le suivais joyeusement. Je m’amusais même à lui jeter son jouet en plastique pour qu’il me le ramène. Il n’y avait pas d’animaux à la maison alors chaque fois que nous rendions visite à ces amis, je m’en donnais à cœur joie. Cependant, ce jour-là aurait pu avoir des conséquences tragiques. Le petit chien courait vite. Partout. Je m’efforçais de le suivre, où qu’il aille. Son jouet avait atterri près de la piscine et il ne semblait pas décidé à revenir vers moi. Alors je m'étais dirigé vers lui en courant et en l’appelant. Malheureusement, je glissai, je perdis l’équilibre et je me retrouvai subitement complètement immergé.  

Je venais de tomber dans l’eau et à mon âge, je ne savais pas encore nager. Je me souvenais m’être débattu pour tenter de remonter à la surface. Lorsque j’y parvenais, ce n’était que pour quelques secondes. J’entendais le chien aboyer avec force. Pourtant malgré tous mes efforts pour tenter de sortir la tête de l’eau, j’en sentis s’engouffrer dans ma bouche, ma gorge, mes poumons. Cette sensation était abominable, j’étouffais littéralement et ce fut le trou noir. Lorsque j’avais repris connaissance, tout le monde était autour de moi. Ma mère arborait une expression horrifiée tandis que mon père était trempé et agenouillé à côté de moi. Il avait réussi à me sauver la vie. Depuis ce jour, j’avais une peur phobique de l’eau. Même maintenant alors que j'étais dans une piscine, l’eau m’arrivant à la taille et les mains de ma sœur dans les miennes, je ne me sentais pas rassuré. Elle reculait progressivement et m’attirait avec elle. L’eau montait et m’arrivait désormais au milieu du torse. Mais je suffoquai, je paniquai. Un jour l’eau causerait ma mort, je le savais. Quand on y regardait bien, cela ne serait pas une grosse perte. J'étais célibataire, je n’avais pas d’enfants, je n’avais pas un travail qui rapportait des millions et jamais je ne parviendrais à boucler ce manuscrit sur lequel je trimais depuis des années. Pourtant, mon plus grand rêve aurait été de devenir un auteur célèbre au talent de J.K. Rowling ou même de Stephen King. Mais je n'étais qu’un raté qui ne réussissait même pas à terminer ne serait-ce que son premier roman. A quoi bon s’acharner ? J’avais pourtant le sentiment qu’il ne me manquait qu’un déclic pour le terminer. Sauf que je ne l’avais toujours pas trouvé. Sentant la crise de panique monter, ma sœur me ramena vers le bord de la piscine d’où je m’empressai de sortir. L’eau était ma pire ennemie. Il en sera toujours ainsi, qu’importe les efforts de ma sœur ou de n’importe qui. En attendant, je regagnais les vestiaires pour me doucher, me changer et rentrer chez moi. J’avais une animation de radio prévue dans deux heures, je ne devais pas être en retard.