"Mais je ne suis pas folle putain foutez moi la paix !!!" J'en avais marre, je perdais patience et je me faisais harceler pour aller voir un psy. Je n'avais pas fait attention mais ma main était brusquement venue taper la table restant à plat contre celle ci. Sous l'énervement. J'avais besoin qu'on me laisse tranquille c'est tout, c'était trop demandé ? Apparemment oui parce qu'après un soupire elle revint à la charge
"Ça peut pas te faire de mal" toujours les mêmes arguments mais qui lui disait que ça me fera du bien ? Qu'elle s'occupe de sa vie je gérais la mienne ! Mais non. Elle ne m'avait pas lâché la grappe. Au final le seul moyen que j'avais trouvé pour qu'elle arrête de me gonfler avec ça avait été de lui dire d'accord. Comme ça elle était contente et moi j'avais la paix. En tout cas avec elle parce que maintenant il allait falloir que je fasse face à un psy. Je n'avais jamais été voir de psy avant alors j'en avais l'image que je m'étais faite, pas forcément juste mais de toute façon comme je n'y allais pas de mon plein gré je partais forcément avec l'idée que ça allait me faire chier. Du coup je me retrouvais la devant ce quadragénaire frisé comme un mouton qui me fixait d'une telle façon que je me sentais presque déshabillée. Pas dans le sens pervers du terme non du tout, cependant si j'avais pu mettre une veste en plus comme si c'était une barrière pour l'empêcher de rentrer dans ma tête je l'aurais fait. Pourtant il n'était pas médium
"Victoria ça fait deux mois que votre petite amie a rompu avec vous et depuis ces deux mois vos proches me rapportent un comportement totalement différent, qui ne vous ressemble pas" Cinq en d'études supérieures pour me sortir ça ? Sérieusement ? Je savais que j'aurais dû choisir mon psy moi même et ne pas aller voir celui que mes amies m'avaient conseillées et avec qui elles avaient déjà parlé. Je levais les yeux au ciel
"Vous venez de le dire mon cher Watson, je vie une rupture difficile, alors je veux qu'on me laisse péter un câble tranquille" Ça pouvait peut-être paraître ridicule et excessif d'être dans le gaz pendant deux mois après une rupture et ça ne m'était encore jamais arrivé de le vivre aussi mal mais là c'était vraiment la désillusion totale et je n'avais pas envie de faire semblant, de faire des efforts pour les autres.
"Vous auriez pas une clope ?" Il secoua la tête de gauche à droite. Pas de bol.
"Depuis quand fumez vous ?" Il allait rebondir sur absolument tout ce que je disais ?
"Depuis mes douze ans, vous voyez c'est pas nouveau, rien à voir avec mon récent célibat" Il devait en voir un paquet de nanas comme moi en fait, peut-être pour ça qu'il avait un calme à tout épreuve. Enfin même si l'agacement montait en moi je restais tout de même plutôt calme aussi encore pour l'instant
"Victoria, avant ça vous étiez une personne pleine de vie, souriante, toujours de bonne humeur, ça serait dommage de perdre cette partie de vous si positive" Non non la il était juste idiot c'était pas possible ! Pourquoi fallait-il, pour une fois que j'allais mal après de longues années heureuse avec celle que je pensais ma future femme, que tout le monde pense que c'était la fin du monde ? Que je ne sourirais plus jamais et que je serais un zombie pour le reste de ma vie ?
"Mais bordel pourquoi tout le monde veut me "guérir" ?! Pourquoi j'aurais pas le droit d'aller mal comme beaucoup de monde dans ce genre de situation ? C'est quand même une putain de réaction logique alors je veux qu'on me foute la paix le temps que je fasse mon deuil de cette relation et je finirais bien par retrouver le sourire moi même !!" Je n'avais rien demandé à personne moi je n'étais pas allée me plaindre ou demander du soutiens. Je ne voulais pas qu'on me remonte le morale alors pourquoi est ce qu'on venait me chercher ? Tout ça parce que j'avais deux potes qui avaient jugé que je ne me remettais pas assez vite de ma rupture, et je les haïssais la tout de suite. Si elles me faisaient le coup une seconde fois il était maintenant clair que je les enverrai bouler et s'occuper de ce qui les regarde
"J'ai une idée, vous allez me raconter votre vie" J'arquais un sourcil
"Pardon ?" j'aurais dû m'en douter après tout dans les films les psy veulent toujours tout savoir du passé de leur client mais la on savait déjà d'où venait le problème, pas besoin de le localiser
"La flemme" déjà que j'en voyais pas l'intérêt et que je n'en avais pas envie j'avais encore moins le courage de tout reprendre depuis le début avec quelqu'un que je ne connaissais pas
"Par écris" "Encore plus la flemme" "Mais attendez laissez moi finir" Je soupirais et me mettais au fond du canapé en croisant les bras et les jambes
"Vous allez donc m'écrire votre vie, vous n'êtes pas obligé de commencé par votre enfance mais écrivez les points qui vous ont le plus marqué et n'hésitez pas à détailler. Puis le plus important il faut évidemment que vous parliez de l'événement qui fait que vous êtes malheureusement en ce moment. Ensuite nous brûleront ce que vous avez écrit, et ça sans même que j'y ai lu" Heuuu quoi ? J'avoue que la je ne m'attendais pas du tout à ça, j'étais suspicieuse
"Donc si je veux je peux vous insulter dedans en fait, vous n'allez rien lire ?" Ah ben ça le faisait sourire... Quel intérêt de se faire chier à écrire tout ça si c'est pour y brûler à la fin ? Bon j'allais faire son truc au moins après ça il me lâcherait la grappe lui aussi. Je me redressais sur le canapé et prit son stylo et sa feuille.
Bon alors voilà j'écris et je ne sais pas par où commencer... Bon sang je sens que ça va être long à écrire tout ça. Il aurait pas pu m'y faire écrire sur word ? Fallait vivre avec son temps non ? Pis après ben... tu brûles l'ordi ! Bon bref je reprens. Et pour ça je n'aie pas d'autres choix que de replonger dans mes souvenirs. Du moins au plus loin que je pouvais me souvenir. J'aurais pu vous parler de la naissance de mon frère mais j'étais trop jeune je ne m'en rappelle plus. Je sais juste que je m'étais montrée plutôt jalouse au départ, n'ayant d'un coup plus toute l'attention de mes parents mais je m'y était faite assez rapidement. Non la première chose qui me revenait à l'esprit dans ce dont je me souvenais réellement et pas parce qu'on me l'avait raconté c'était ma rencontre avec Isis. On était encore que des gamines à l'époque. On était d'ailleurs pas vraiment du même monde mais on était dans la même école. Je ne peux pas vous donner notre âge exact à ce moment là, je sais juste qu'on était petite. On se voyait tous les jours forcément vu qu'on était dans la même classe mais c'est un midi à la cantine qu'on s'est réellement parlé. On ne s'en douterait pas un instant en voyant Isis aujourd'hui mais à l'époque elle était rondouillette, un sujet très facile pour les moqueries et les enfants sont cruels facilement. Plutôt solitaire du coup elle se dirigeait seule vers une table à la cantine, ne demandant rien à personne, quand deux garçons lui on fait renverser son plateau après lui avoir piqué son beignet. Pour ma part j'étais ni populaire ni trop solitaire, disons que j'étais entre les deux mais ce geste m'a saoulé, je n'ai pas trouvé ça drôle. J'ai ramassé le premier truc de bouffe que j'ai vu par terre pour le balancer sur un des garçons en question avant d'aller m'asseoir avec Isis et de partager mon plateau avec elle. Après tout ça n'était pas parce que je venais d'une famille de bourges que je devais avoir une attitude hautaine avec les autres. A vrai dire je n'ai jamais raisonné comme ça. Avec Isis on est devenu très proches, à prendre la trottinette ou le vélo dès qu'on voulait se retrouver en dehors de l'école et s'amuser ensemble. Finalement cette rencontre un peu spéciale a donné naissance à une amitié encore forte aujourd'hui.
"Vicky ouvre, tout le monde est arrivé les parents disent que tu dois venir à table " Je m'empressais d'étouffer ma clope dans le cendrier
"Dis leur que je suis en train de réviser" si y'avait bien une excuse qui trouvait grâce à leurs yeux c'était celle la non ?
"Non ils disent que tu dois venir quand même" bon ben raté. Je soupirais longuement
"C'est bon Tate j'arrive" je faisais quelques mouvements avec mes mains dans le but de faire sortir la fumée par la fenêtre du mieux que je pouvais. Je passais ensuite un coup dans la salle de bain pour démêler mes cheveux et les placer correctement avant de mettre une touche de parfum et de rejoindre tout le monde à table. Treize ans et je ne supportais déjà plus ce genre de repas où il fallait absolument faire bonne figure. Nos parents étant toujours en train de vanter nos mérites, mettre en avant nos notes ce qui nous foutait encore plus la pression parce que si on rentrait avec de mauvaises notes on pouvait être sûr que ça les mettrait dans l’embarras et qu'ils ne pourraient pas en parler pour ne pas renvoyer une mauvaise image. Sauf que moi les cours, les cours et encore les cours à longueur de temps ça commençait à me gonfler. Parfois je me disais que j'étais pas née dans la bonne famille. Ceci dit d'un autre côté je n'avais pas à me plaindre. J'étais dans une famille riche, je n'avais aucun manque matériel et même si c'était souvent tendu avec mes parents y'avait quand même de l'affection entre nous. Si ça n'était pas le cas en même temps je ne m'embêterait pas à faire autant d'efforts. Alors qu'Isis avait un beau-père qui devenait violent. Si ça ne tenait qu'à moi j'irais lui casser la gueule parce que ça me foutait la rage mais comment dire qu'avec mes petits bras et ma différence de taille avec son père j'avais des doutes sur le fait de réussir à le faire ne serais ce que bouger.
"Non mais ils t'ont fait un lavage de cerveau en vacances ou quoi ?!!" Ah ben oui forcément ça faisait gros à avaler d'un coup. Je crois que quand ils avaient enfin compris que c'était moi et non une inconnue qui était rentrée chez eux ils avaient faillit avoir une attaque. Surtout mon père à vrai dire. Mon frère s'était retenu de ne pas éclater de rire devant mes parents mais faut dire qu'il me connaissait un peu mieux qu'eux et savait un peu plus ce qu'il se passait dans ma tête depuis maintenant un moment. Une quarantaine de centimètres de cheveux en moins et surtout, des tatouage sur les bras alors que je ne leur avais demandé aucune autorisation.
"Après les notes qui chûtes tu t'habilles comme une clocharde et tu te.. Mais qu'est ce qu'il t'es passé par la tête ? T'en as d'autres encore des surprises comme ça ?!" "Ben maintenant que tu le dis..." A vrai dire ça faisait un moment que je cherchais le bon moment pour leur en parler et maintenant c'était probablement le pire moment mais au moins ça ferait d'une pierre deux coups
"J'aime les filles" "Pardon ? Mais aimer comment ?" ça y est il allait défaillir. Tant pis fallait arracher le pansement
"Je suis lesbienne." "Non" comment ça non ? Ben si, je le savais quand même mieux que lui
"Hors de question, et puis quoi encore ?" Je vous épargne la suite. J'avais attendu que ça passe et j'en avais entendu des vertes et des pas mûres. Ils avaient même envisagé que j'aie un problème, que je fasse une crise d'ado et qu'il faudrait peut-être que je me fasse suivre. S'en était suivis de longs mois d'incompréhension entre mes parents et moi. Ils ont bien dû finir par accepter l'évidence, ça ne voulait pas dire qu'ils assumaient d'avoir une fille lesbienne et qui ne renvoyait pas une image de femme classe. Du coup à chaque fois qu'on voyait des personnes en dehors de la famille il fallait que je me couvre les bras et que je mette une perruque. Pour ce qui était de mon orientation sexuelle je ne devais même pas en parler au reste de notre grande famille parce que ça mettrait mon père en échec par rapport à son frère alors que sa famille parfaite était le point sur lequel il pouvaient enfin le dépasser d'après lui.
Au final ma vie de famille n'a pas beaucoup changé. Je dois toujours faire des efforts quand je viens avec eux pour rencontrer d'autres personnes mais en dehors de ça c'est moins tendu quand même et ils me laissent tranquille. Après tout j'ai mon appart, je bosse, je suis indépendante et quand je me présente aux autres c'est en tant que Vic Dalton comme ça je n'entache pas la réputation de la famille, c'est un compromis qui marche plutôt bien. Bon bien sûr même s'ils s'y sont fait ils n'approuvent toujours pas tout, mes nouveaux choix de vie comme mon boulot dans un sexshop sont loin de leur plaire. Ils n'approuvent pas non plus mes fréquentations faut dire que vu le boulot de ma meilleure amie et les embrouilles dans sa famille il n'y avait rien de surprenant non plus. Ma vie me conviens tout de même beaucoup mieux depuis que j'ai quitté la maison familiale, j'ai découvert une liberté jouissive à laquelle je serais bien incapable de renoncer maintenant. Par contre quand je suis tombée amoureuse et que c'est devenu plus sérieux qu'aucune autre relation auparavant ils ont refusé de rencontré ma nana. En deux ans de relation, pas une seule fois elle n'a pu rencontrer mes parents. En dehors de ça notre relation était plutôt idyllique, du moins pendant un temps. Mais il n'y avait pas que ma famille qui était pesante. La sienne acceptait également très mal sa bi-sexualité. D'un côté on était toutes les deux bien placées pour comprendre l'autre et d'un autre côté on ressentait un manque niveau famille quelque part. Et se dire que peut-être on ne pourrait jamais partager ça avec eux c'était compliqué. On aurait peut-être pu continuer à vivre ensemble si ses parents ne lui avaient pas fait un odieux chantage affectif. Se séparer de quelqu'un qu'on aime encore et qui nous aime encore c'est probablement une des pires situation et ça me blase complètement depuis deux mois. S'il n'y avait plus eu de sentiment de son côté j'aurais probablement pu réussir à m'y faire plus facilement mais là non. Pas sûre pour autant que j'avais vraiment besoin de voir un psy, ça passe avec le temps ce genre de chose... Je doute fort que brûler ces feuilles puissent y changer quelque chose...