Eliza | Rattrapons le temps perdu

Quelques jours plus tôt, Dorian avait croisé Rebekah. Cette dernière était la cousine d’Eliza. Enfants, il leur arrivait assez souvent de passer des après-midi chez la grand-mère des deux jeunes filles. Dorian était plus proche d’Eliza à l’époque puisqu’ils avaient le même âge mais après le départ de la brune, Dorian avait gardé contact avec Rebekah. Du moins, jusqu’à ce qu’il parte lui aussi. Il avait eu sa carrière à gérer, sa vie s’était accélérée et il avait beaucoup voyagé. De ce fait, il avait perdu de vue pas mal de monde avant de tous les retrouver à son retour. La vie de star n’était pas de tout repos mais depuis un an, il avait réussi à se poser. Le groupe avait décidé de faire une pause après leur tournée internationale afin de se reposer un peu et de souffler. Non pas qu’ils n’aimaient pas leur métier, bien au contraire, mais chaque être humain normalement constitué avait besoin de repos.

Revoir Bekah lui avait fait plaisir et il l’avait reconnue au premier coup d’œil. Comment oublier une chevelure aussi flamboyante que la sienne ? Et puis, la masseuse avait le don de marquer les esprits. Ils avaient pris le temps de boire un café ensemble et de discuter pour rattraper un peu le temps perdu et se donner des nouvelles de leurs vies. A ce moment, la jeune Reynolds n’avait pas hésité à parler de sa cousine. Elle savait qu’Eliza s’était beaucoup attachée à Dorian par le passé et que passer du temps avec lui, lui ferait le plus grand bien, surtout en ce moment. Elle avait besoin de soutien et de se changer les idées. Elle finit par convaincre Dorian d’aller passer une soirée avec elle. Elle lui donna toutes les informations dont il avait besoin. Il n’y avait plus qu’à choisir le jour des secondes retrouvailles.

Et bien, ce jour était arrivé. Eliza vivait chez sa grand-mère, heureusement, Dorian savait où se trouvait la maison. Avant de quitter son appartement, il prit une douche et se rendit à la pizzeria du centre ville. Il commanda deux pizzas et attendit plusieurs minutes, le temps de la préparation. Le vendeur, honoré d’avoir le célèbre Dorian Saltzman dans son restaurant lui offrit sa commande et lui donna en plus une bouteille de Seven Up. La célébrité avait du bon parfois. Dorian rejoignit sa voiture, posant les cartons des pizzas sur le siège passager et se rendit à l’adresse où résidait Eliza. Il se gara devant la maison une fois arrivé sur place et récupéra les pizzas pour se diriger jusqu’à sa porte. Il sonna un coup et attendit qu’on vienne lui ouvrir. Eliza ne tarda pas à entrer dans son champ de vision. « Bonsoir Mademoiselle ! Livraison de pizzas à domicile ! » Assura-t-il avec un grand sourire. « J’espère que je ne te dérange pas ? » Sait-on jamais. Peut-être attendait-elle des invités ? Etait-elle avec quelqu’un ? Ça, il aurait fallu y penser avant.

La chaleur avait fortement augmenté en ville et Eliza avait décidé d'abandonner les vêtements couvrants, quitte à se prendre quelques bleus dans les jambes et se retrouver à gratter la peinture sur ses bras. Aujourd'hui n'était pas un jour différent. Vêtue d'une salopette short en jean, par-dessus une brassière de sport noire, la brunette s'activait à couler ensemble des planches pour pouvoir construire les marches de son nouvel escalier. L'ancien avait cédé sous ses pieds un matin, la décidant à abandonner son planning initial pour le détruire entièrement avant qu'elle n'y meure par accident. Granny n'aurait certainement pas aimé qu'une autre personne (encore moins une de ses petites filles) finissent ses jours dans cette bâtisse.

Travaillant sans compter son temps, la brune s'était attelé à la tâche dès le début de la matinée et en soirée, elle avait constitué un peu plus de la moitié des marches dont elle avait besoin. Si cela pouvait sembler lent, pour elle, c'était un exploit. La belle avait des idées de grandeur pour cette maison qu'elle avait tant aimé et voulait le meilleur du meilleur, alors même si elle utilisait beaucoup le système D pour se fournir en matériel, elle voulait que l'assemblage final soit le plus parfait possible (et le plus sécuritaire qui soit, vu qu'elle serait responsable en cas de malfaçon lors de la vente). Or, faire la perfection quand on n'était pas une professionnelle du bâtiment demandait quelques efforts complémentaires. De fait, son avancée était plus que glorieuse.

Prise dans son activité, la miss sursauta quand la sonnette retentit. Elle se redressa, époussetant un peu de la sciure qu'elle avait en vérité partout sur le corps et les vêtements. Eliza se figea, une fois la porte ouverte. Elle s'était attendue à voir un de ses frères ou peut-être sa cousine, mais certainement pas son ancien amour d'enfance, des cartons de pizza à la main. « D... Dorian ? » Une fois passé le premier choc, la brune se détendit un peu, un léger rictus se peignant sur son visage. « Ton groupe marche si mal que ça que tu es obligé de prendre un job de livreur ? » Frottant encore une fois inutilement la jambe de son jean, elle se déplaça pour laisser au jeune homme l'occasion d'entrer. « Non, bien sûr que non, tu ne me déranges pas. Je t'en prie, entre. »

Une fois qu'il fut à l'intérieur, la jeune femme referma la porte et lui indiqua (inutilement) la direction de la cuisine. Il était venu ici si souvent. Même si cela faisait comme un demi-siècle, il devait encore se souvenir d'où se trouvait la cuisine où ils avaient mangé tant de bonnes choses. « Ne fais pas attention au désordre je... En fait, toute la maison est en travaux. » Et c'était peut dire. Hormis la chambre de Granny, toujours scellée, même la sienne était désormais en travaux. De toute manière, elle n'y dormait pas beaucoup, s'écroulant généralement pour quelques minutes ou quelques heures dans le canapé. Elle savait que c'était mal. Sa façon de dormir exigeait une certaine hygiène de vie, notamment s'installer confortablement pour sa phase de sommeil ou ses siestes. Heureusement, le canapé était plus que confortable, même si un peu élimé. « Qu'est-ce que tu fais là, Dorian ? », demanda-t-elle doucement. Elle ne voulait pas avoir l'air de lui faire un reproche, car ce n'était aucunement le cas. En fait, elle était juste réellement surprise. Après leurs retrouvailles, il avait clairement fait comprendre qu'il avait une vie, des choses à faire, des plans qui ne pouvaient que difficilement l'inclure, alors elle ne s'attendait pas à ce qu'il pointe le bout de son nez de son plein gré chez elle pour la sauver de l'inanition (car il fallait avouer qu'elle avait sauté tous les repas depuis le petit-déjeuner – encore une erreur qu'elle pouvait payer cher plus tard – et son estomac criait déjà famine en sentant la bonne odeur des boites qu'il avait dans les mains).