Marylin Foyet : Came to win, lost everything

J'ai quatre ans. Je m'amuse à jouer à la bagarre avec mon jumeau. Étant sortie la deuxième du ventre de notre mère, je suis l'aînée. Un fait que je ne manque pas de lui rappeller que je suis la plus âgée. Même si il ne s'agit que de huit minutes. C'est le temps de l'innocence. Papa n'est plus là. De ce qu'on a compris, il est parti dans les étoiles. Maman nous parle de lui avec amour. Dans le salon, il y a une photo d'eux. Elle avec son ventre arrondi. Ils ont l'air si heureux. À cet âge de l'innocence, on ne s'imagine pas que tout peut basculer d'un seul coup. On ne s'imagine pas que le bonheur n'est pas éternel. Qu'un événement peut tout détruire en mille morceau. À cet âge là, une maman c'est immortelle. Papy et Mamy arrivent avec un monsieur en uniforme. Ils discutent entre eux. Ils ont l'air si tristes. Maman est partie rejoindre papa dans les étoiles. Notre innocence se brise dès que l'on comprend qu'on ne la reverra plus. Papy et Mamy nous ramènent chez eux à Seattle. Ils deviennent nos tuteurs. Nous ne manquons pas d'amour avec eux. Bien sûr quand tout enfants, il y a des moments où on fait des bêtises. Plus où moins grosses. Ces instants où on essaye de faire tourner en bourriques les adultes. Pour calmer notre énergie et nous faire pratiquer une activité physique nos grands parents nous ont inscrit à un club de Taekwondo.

Mamy me fait découvrir quelques films avec Marylin Monroe. Je suis émerveillée. Je veux être comme elle plus tard. Je porte le même prénom. C'est peut être un signe du destin ? Du moins, c'est ce que je crois. La passion devient vocation au fil du temps. Je poursuis ma scolarité avec cet objectif en tête. Mes journées sont remplis. Entre les cours à l'école, les cours de Taekwondo et de théâtre, je ne m'ennuie pas une seule seconde. Et j'arrive encore à trouver le temps pour fumer. Une connerie d'adolescence. L'envie de faire comme les amis. Suivre le mouvement.  À l'âge de dix neuf ans, je participe à une publicité pour des céréales. Je m'approche de mon rêve. Mon physique plait. Je pose pour des magasines, ma tête est mise sur des affiches. Malgré tout, on me refuse plusieurs propositions. Je n'ai pas assez d'expériences. Je suis trop jeune. Mon carnet d'adresses n'est pas assez rempli. Il me manque juste le piston. J'ai juste besoin d'un soutien, d'un coup de baguette magique en quelques sortes. Marraine la fée, se trouve être Norah McCalls, nous avons le même âge. Elle devient mon agent. Je dois faire des efforts. Après tout nous n'avons rien sans rien. Avant tout, je dois arrêter de fumer. La clope m'empoisonne le sang. Ça jauni les ongles et les dents. Ça abîme la peau. Pour se faire je suis aidée par des spécialistes. Un régime draconien nous est imposé par notre agent. C'est le prix à payer pour réaliser nos rêve. On n'atteint pas le soleil, sans se chauffer et se brûler les ailes.

Jouer. Gagner. Rejouer. Tout perdre. Cercle sans fin. La roulette tourne. Rouge. Noire. Noire. Rouge. Impair Rouge. Nombre 23. La bille blanche sautille. La roue tourne. Je sens les battements de mon coeur tambouriner à la chamade. Boom boom boom. J'en ai la chair de poule. Le temps se suspend. Quatre. Trois deux un. La bille ralentit sa course. Le regard rivé sur la table de jeu. 23. Impair Rouge. J'exulte. C'est mon jour de chance. Autant en profiter. Je dépense tout mon salaire des jours passés à la Fashion Week. Emportée par la frénésie et d'adrénaline de l'instant. Je joue. Gagne. Je rejoue. Je perd. Je devrais m'arrêter là. Je ne le fais pas. Ne reste que l'envie de jouer. Encore et encore. Les jetons brûlent mes doigts. L'envie me consume. Roulette, machines à sous, table de blackjack, table de poker. Je joue a déraison. Un croupier me demande de m'en aller. Je refuse. Un vigile arrive. J'essaye de négocier avec lui. Il refuse. J'ai trop flambé. Virée manu militari d'une main de fer, je me retrouve seule dans la rue devant la porte du casino. Impossible de rentrer à l'intérieur de nouveau. Je suis devenue persona non grata en ce paradis.

J'ai des dettes à rembourser. Beaucoup trop. Des prêteurs sur gages m'aident. Je dois les rembourser. Je n'y arrive plus. Mes dettes s'accumulent. Mon argent part en fumée. Loterie, jeux à gratter. Je le dépense là où je ne devrais pas. C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à me contrôler. Personne ne peut m'arrêter. À force, je dois une sommes monstrueuses à plusieurs personnes. J'essaye de retarder l'échéance de mes remboursements, afin d'avoir un petit répit. Mes créanciers ne sont pas du même avis. Quand l'un d'entre eux, m'envoie un message pour me mettre en garde que si je ne lui remboursais pas la totalité de ce que je lui dois, d'ici la fin de la semaine, il s'en prendrait à ma famille. Je sais qu'il ne plaisante pas. 15 000 000 dollars.  C'est la somme que je dois à cet homme. Je ne sais pas quoi faire. Je suis au bout du gouffre. Avoir une telle somme en un laps de temps si court est impossible. Je suis prête à tout pour retirer cette épée de Damoclès au dessus de ma tête. Je pourrais vendre un rein si il le fallait.

Je demande de l'aide à Norah. Je lui dis même que je suis prête à me faire sauter par le premier vicelard venu, tant que ça me rapporte vingt-mille dollars. Cette phrase n'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Quelques jours plus tard, Norah me convoque, j'ai un rendez-vous avec son avocat. J'aurais la somme demandé après avoir couché avec lui. Le contrat est rédigé. Il est clair et précis. C'est ainsi que je plonge dans le monde de la prostitution. Mon corps est devenu mon gagne pain. Je peux continuer à jouer, même si ça énerve Norah. J'offre mon corps à des hommes et parfois certaines femmes. Norah veille à ce que tout soit conforme aux contrats. Elle nous garantit une sécurité. Gare à ceux qui essayeraient de la flouer ou de s'en prendre à nous. Tout le monde en ressort gagnant. Le réseau s'agrandit, je deviens une sorte de grande soeur pour les nouvelles et les nouveaux depuis récemment. Changer de vie ? Je n'en ai aucunement l'intention. J'ai tout ce dont je rêve, pourquoi m'en priver ?