Ride or Die | Maeva

Le cliché de la belle petite famille parfaite est loin d’être l’image reflétait par la mienne. Deuxième enfant d’une famille de cinq, je suis née d’une mère prostituée et d’un père inconnu. En effet, ma mère, Moïra, avait apparemment la fertilité facile. Elle est tombée à trois reprises enceinte d’un de ces clients. Lequel ? Impossible à savoir. Mais il n’était pas concevable pour elle d’avorter, alors malgré la charge que cela représentait, elle a gardé chacun de ces enfants. Le premier fût un garçon, Matthew. C’est donc lui qui a connu les premières galères de notre situation. Notre mère ne pouvait se permettre de quitter son travail, et dans ce genre de métier, les congés maternité n’existait pas. Sans famille, elle était donc contrainte de nous emporter avec elle lorsqu’elle allait au travail. Elle nous confiait à ses collègues, le temps de s’occuper de son client, puis venait nous récupérer. Le soir, trop fatiguée pour s’occuper de nous, nous étions livrés à nous même. C’est comme cela que j’ai développé une grande complicité avec mon grand-frère. Pas avec des câlins, mais plutôt par la chamaillerie.

Deux années après ma naissance, Moïra donna naissance à des jumelles, Mira et Mina. Si la situation était déjà compliquée auparavant, cela n’allait pas aller en s’arrangeant ainsi. Heureusement, durant cette grossesse, la jeune maman rencontra un infirmier, Gabriel, qui se pris d’affection pour elle. Depuis leur rencontre, il n’avait de cesse de lui venir en aide autant pour les enfants que pour l’aspect financier de sa vie. Il avait même fini par développer des sentiments pour elle et ce, malgré son métier qu’il n’aimait pas. Il ne le lui cachait pas, et avec beaucoup de persévérance, il fini par lui faire entendre raison. Elle le laissa officiellement entrer dans sa vie, et quitta son métier. .  

La vie de la famille changea radicalement. Nous emménageâmes dans l’appartement de Gabriel, où nous connûmes des luxes dont nous n’avions jamais osé rêver. Nous avions chacun notre chambre, des jouets et des vêtements rien qu’à nous et nous seul. Une belle bien vie à laquelle nous prîmes tous goûts. Gabriel était un homme doux et serviable, nous n’eûmes donc aucun mal à l’accepter comme beau-père. Notre mère donna même naissance à un cinquième et dernier enfant, le seul dont le père était donc connu. Ce fût une petite fille qui vînt compléter le tableau, Mackenzie. Tout semblait pour le mieux. Gabriel s’occupait de nous comme si nous étions ses propres enfants, notre mère pouvait nous consacrer tout son temps puisqu’elle ne travaillait plus. J’appris à ses côtés à m’occuper de mes petites sœurs et à faire quelques-unes des tâches « présumées » pour les femmes. J’allais également parfois embêter les garçons, pour participer à des activités plus masculines qui, étrangement, me semblait plus appréciables.

Malheureusement, toutes ses années de bonheur ne durèrent pas. En Février 2001, alors que c’était l’anniversaire de Gabriel et que nous lui avions préparé une fête surprise, nous ne le vîmes jamais rentrer à la maison. A la place c’est la sonnerie du téléphone qui raisonna dans la maison. Un moment de silence avant de voir le visage de notre mère changeait du tout au tout. Quelque chose n’allait pas comme prévu, ce n’était pas dur à deviner. Matthew eu le réflexe immédiat d’aller vers la petite dernière, pendant que Mina, Mira et moi attendions le coup de grâce. C’est les pleurs de notre mère mirent fin à tout doute et chacun réagit à sa manière à la tragique nouvelle. Personnellement j’avais choisi de m’enfermer dans ma chambre, déchargeant ma tristesse et ma colère sur tout ce qui se trouvait dans la pièce. Tout venait de s’écrouler. Alors que nous avions enfin le droit au bonheur, il fallait que tout soit anéantit par un chauffard qui avait grillé un feu rouge.  

Si nous avons tous tenté de reprendre nos vies, malgré la douleur vive qui tiraillait notre cœur, notre mère n’en fût pas capable. Elle allait du lit au canapé, du canapé au lit sans rien faire d’autre. C’est donc Matthew et moi qui tentèrent de prendre soin de nos petites sœurs. C’était loin d’être évident, et comme si la situation n’était pas déjà assez difficile, les problèmes d’argent refirent surface. En effet, Moïra n’avait jamais repris d’activité professionnelle depuis qu’elle avait arrêté la prostitution, et l’argent laissait par Gabriel à sa mort n’était pas sans fin. Il nous fallut déménager pour retrouver une la même situation que nous avions connu, Matthew et moi, avant la naissance des jumelles. Un bien dur retour à la réalité… Les problèmes d’argent ne firent que s’aggraver, et vivre était devenu plutôt difficile. Aucun de nous n’étions en âge de travailler et donc de ramener de l’argent. Pourtant, un soir, Matthew rentra à la maison avec une petite somme d’argent. Notre mère ne le questionna même pas sur sa provenance. Les semaines et les mois passèrent, et Matthew continua de ramener de l’argent à la maison. Il était en quelques sortes notre sauveur, celui qui nous permettait de survivre. Bien sûr, nous finîmes par savoir quel était le secret qui se cachait derrière cet argent. Comment le blâmer d’utiliser la drogue comme moyen de rémunération, quand, sans cela, nous serions sûrement déjà à la rue. Retrouver un peu de confort de vie n’était pas négligeable, mais la vie a parfois tendance à s’acharner toujours sur les mêmes.

L’état de notre mère ne s’améliora pas avec les années, elle n’était que l’ombre d’elle-même, incapable de se remettre de la mort de Gabriel. Elle tentait tant bien que mal d’assumer un minimum son rôle de mère, mais c’était surtout sur les épaules de Matthew que tout reposait. Et elle en était bien consciente ! Seulement une semaine après qu’il est atteint la majorité, Moïra se suicida. Un coup de plus pour toute la famille. Sans parent, qu’allions-nous devenir ? C’est Matthy qui devint notre tuteur légal le temps que nous atteignons toutes la majorité. Si depuis plusieurs années déjà, c’était grâce à lui que nous vivions à peu près correctement, lui rajoutait toutes ses responsabilités le fit disjoncter. Alors, même si j’avais également envie d’extérioriser toute la haine que j’avais contre cette vie qui s’acharnait sans cesse sur nous, je pris soin de nos petites sœurs en attendant que Matthew aille mieux. Cela dura un mois. Un mois durant lequel j’ai tenté tant bien que mal de le persuader d’arrêter ses conneries. Il allait jusqu’à mettre sa propre vie en danger…

Un comble quand on sait que j’avais la fâcheuse tendance d’ignorer moi-même le danger. Depuis la mort de Gabriel, j’avais développé une certaine attirance pour toutes sortes d’activités qui me faisait me sentir vivante. La mort de Moïra n’arrangea rien à mon comportement. Puis la majorité me permit d’avoir accès à des activités auxquelles je n’avais pas le droit jusque-là. Dans la continuité, je pris un métier qui correspondait à mon tempérament : cascadeuse de cinéma. Quoi de mieux que de gagner sa vie en faisant le plein de sensations. Toutes les épreuves traversées depuis ma naissance m’avaient bien fait comprendre que la vie n’était pas éternelle, et j’avais donc le besoin irrépressible de toujours faire quelque chose, et surtout quelques choses qui me permettent de me sentir vivante, quitte à mettre ma vie en danger.