Mira ◈ « Le Prince Charmant a foutu l'camp. »

Tous les contes de fée démarrent par « Il était une fois » et se terminent pas « Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Hélas, la vie n’est en rien un mythe rendu plus coloré par des inepties. Elle est faite de gris nuancé : tantôt plutôt blanc, tantôt plutôt noir. Cette règle-ci, Mira la connaît bien. Parce qu’elle n’a pas connu le foyer aimant de deux parents amoureux. Ou, en tous cas, guère longtemps. Sa venue au monde a été faite dans les larmes, la souffrance et les questions sans réponse. Née d’une prostituée, Moïra, et d’un client régulier dont elle ignore tout, son premier cri fut celui de la douleur. Fort heureusement pour la jolie tête blonde, elle sera suivie dans cet univers de très près – 38 minutes exactement – par Mina, qui est et demeurera toujours sa moitié, son double, son âme-sœur. Malheureusement, on ne peut pas admettre que cela suffise pour que tout se passe de façon idyllique.

Devant les jumelles, il y a Matthew – surnommé avec affection « Matty » - et Maeva. Eux aussi ignorent qui sont les pères biologiques de chacun. La seule personne au monde qu’ils aient, c’est Moïra. Et, malgré ses tentatives vaines pour devenir une bonne mère, on ne peut pas dire qu’elle ait été à la hauteur. Epuisée par son métier peu recommandable, elle offre à sa tribu des repas vite faits et les confie, le plus souvent, à une voisine d’étage. Elle fait de son mieux, Moïra. Sauf qu’elle n’est rien d’autre qu’une gosse paumée qui veut être dans un monde d’adultes. Elle donne son corps et oublie de vivre. Elle ne rêve plus.

Et puis, un événement heureux vint bouleverser la petite fratrie. Un homme, séduisant, attentionné et intelligent. Il s’appelle Gabriel et est infirmier. Ca a été le coup de foudre pour Moïra, mais aussi pour ses mômes. Sans demander son reste, il les considère tous comme les siens et leur offre enfin l’affection et la stabilité dont chacun a besoin. C’est une période réjouissante durant laquelle tout s’emboîte parfaitement. Chacun se surprend à rêver, à sourire et à rire décemment. Ils accueillent même la petite Monica, fruit de l’amour que se portent Gabriel et Moïra.

Hélas, une fois encore, la magie ne dure pas. En février 2001, alors que Mira n’est âgée que de neuf ans, Gabriel décède dans un accident de voiture tragique. L’univers coloré retourne en gris aussitôt. Moïra dépérit à nouveau. Matty, lui, devient « l’homme de la maison » et se sacrifier pour élever ses sœurs. Les années s’enchaînent, plus difficiles les unes que les autres. Et l’inévitable survient le 20 septembre 2010 : la mère des enfants se suicide. Un choix lâche, animé par le sentiment vide d’être morte en même temps que Gabriel, neuf ans plus tôt. Elle n’a pas supporté. Mira, qui n’a pas encore dix-huit ans, entre dans une colère monstrueuse qu’elle enferme profondément dans son cœur. En dépit de tout, elle avait besoin de sa mère. Sauf qu’elle les avait tous abandonnés. Depuis ce jour, Mira considère qu’elle n’a jamais eu de mère, mais une génitrice. Et elle ne lui pardonnera sans doute jamais son acte.

Malgré cette épreuve, il faut avancer, grandir et se construire. Mira emprunte la voie de l’école afin de devenir diététicienne diplômée. Depuis que sa jumelle a été anorexique, à l’adolescence, elle a trouvé sa vocation. Et, pour elle, c’est une façon de continuer à veiller sur celle qui est née quelques minutes après elle. Mais si la jeune femme semble avoir trouvé une partie de son destin, il y a une zone d’ombre qui est visible par tous : son célibat. Ou plutôt, le fait que ses relations amoureuses finissent toujours mal. Ca ne dure jamais longtemps. La raison est simple : Mira est homosexuelle. Sauf qu’évidemment, elle refuse de l’admettre et s’obstine à continuer d’essayer les hommes, sans relâche, dans l’espoir de « devenir normale ». Jusqu’où ira-t-elle ? Le temps le dira.