Family portrait (Vicorah)

Norah avait toujours aimé les repas de famille. Pas dans leur intégralité, bien évidemment, mais elle avait toujours su se satisfaire des moments de plaisir (les moments avec sa sœur, avec son père ou ses grands-parents) et oublier le reste. Cela était encore plus facile quand la maison, comme aujourd'hui, fourmillait de monde. Sous couvert de respecter les traditions de chacun – une manière polie de créer des rencontres d'intérêt – les personnalités les plus importantes d'Hollywood avaient été convié à la soirée de la St Nicolas des McCalls. Tous discutaient affaire avec son père ou son oncle et se pressaient pour avoir le privilège d'un moment en privé avec le grand-père. La famille McCalls au grand complet était là, sous son meilleur jour, pour aider à créer une ambiance détendue propice à la conception de projets avantageux pour les businessmen de la famille. Dommage, il n'y avait pas de travail pour Norah, ce soir. Juste de la représentation, dans l'intérêt du clan tout entier.

Assise à côté de sa petite sœur sur l'un des canapés, Norah regardait les gens papillonner à droite à gauche et plus particulièrement les jeunes hommes qui voltigeaient autour de sa cousine, bien inconsciente de l'intérêt qui lui était porté alors qu'elle discutait avec une jeune femme, sous le regard attentif de son propre père. A un moment, il tressaillit et la blondinette suivit son regard pour trouver l'origine de son soubresaut. « Oh ! » Norah se tourna vers sa sœur, posa un baiser sur son front et s'excusa. « Je reviens. », dit-elle avant d'aller à la rencontre de Vic et de la jeune femme avec qui elle discutait.

Habille, l'agent de mannequin prit la main de Vic, entremêlant leurs doigts et tirant son bras pour poser la paume de son autre main sur son avant-bras. « Bonsoir ! », dit-elle, d'abord à l'attention de la jeune femme. « Je suis désolée de vous interrompre, mais Vic, il faut que tu viennes grand-mère a besoin de nous en cuisine une minute, tu veux bien ? » Norah offrit un sourire d'excuse aux deux femmes et, sans laisser le temps à l'une ou à l'autre de répondre, entraîna sa cousine là où aucun invité ne se montrerait. « Désolée, encore une fois, mais... Tu sais que les manches de cette robe remontent quand tu bouges ? » Seule avec sa cousine, elle pouvait désormais remonter sa manche, révélant les tatouages qui, bien que cacher par le tissu lorsque la lumière du soleil éclairait encore fortement la pièce, se révélait à la lueur tamisée de l'éclairage artificiel. « Ton père a failli faire une attaque quand il a vu le regard de la fille s'attarder sur ton bras. Si tu veux, j'ai tout ce qu'il faut pour les camoufler. Je pense que si on maquille jusque... là » Du doigt, elle montra dix centimètres au-dessus de son poignet. « Tout le monde n'y verra que du feu. Et ça évitera une crise inutile d'oncle Arthur. »

Après avoir expliqué le fond du problème à sa cousine, celle-ci accepta que Norah lui vienne en aide et supposa que la blonde héritière avait le nécessaire dans la salle de bain. Norah hocha la tête et ce fut au tour de Vic de l'attraper pour l'y conduire. Sur le chemin, elle demanda à sa cousine si elle pensait que cela se verrait si elles s'éclipsaient. Norah eu un rire franc en secouant lentement la tête. « J'ai bien peur que oui. Il y a ce type qui devrait parler affaire avec nos pères qui ne fait que nous observer depuis qu'on est arrivée. J'ai déjà dû l'esquiver trois fois et il ne t'a pas abordé uniquement parce que tu n'as jamais été seule depuis que tu es arrivé. » Évitant le frisson de dégoût qui prenait naissance dans le creux de son dos à la simple idée de ce vieil homme qu'elle devinait être un vieux porc lubrique, elle jeta un coup d'œil vers Vic. « Dans cinq minutes il va demander à ton père s'il nous a vu. Heureusement qu'il m'a vu faire et qu'il va comprendre qu'on est parties se repoudrer le nez comme les ladies que nous sommes. »

Il y en avait toujours. A chaque fois. Les producteurs et les hommes riches avaient toujours soif de chair fraîche. Norah savait bien qu'elles étaient en sécurités ici. Ni son père, ni leur grand-père ne laisserait quelconque porc les approcher L'un d'eux allait très certainement – si ce n'était déjà fait – expliquer à leur futur collaborateur que les demoiselles McCalls n'étaient pas femmes faites pour lui, mais cela n'allait pas l'empêcher de passer la soirée à se rincer l’œil sur les courbes des deux jeunes femmes, dès que le doyen ou son fils aîné auraient le dos tourné. Norah s'était toujours demandée si son oncle Arthur serait du genre à défendre l'honneur de sa fille et de sa nièce ou s'il était juste homme à fermer les yeux.

Alors que Vic fermait la porte à clé, Norah se dirigeait vers le meuble, se saisissant de sa trousse à maquillage qu'elle posa entre l'évier et les faux cheveux de sa cousine. Elle ouvrit ensuite un autre placard pour en tirer une bombe de laque et posait le tout ensemble pour attraper le fond de teint au fond de sa trousse, ainsi qu'un gros pinceau. « Relève ta manche s'il te plaît. » Une fois fait, elle coinça une serviette pour s'assurer que jamais le tissu noir ne rencontre le maquillage tant que cela ne serait pas terminé. Il ne manquerait plus que la robe les trahisse en affichant de la poudre. Puis, avec application, Norah posa une première couche de fond de teint sur le tatouage, avant de le laquer, puis d'attaquer une deuxième couche. Les traits indélébiles se faisaient déjà un peu plus gris. Elle soupira. « C'est tellement injuste de devoir cacher de telles œuvres d'art... » Elle aurait eu envie d'ajouter "cette partie de toi-même", mais l'une comme l'autre savaient que ça ne rendrait pas la chose plus simple, au contraire. « Je n'aurais pas la même patience que toi si je devais cacher les miens... » Une seconde, elle regarde le nom sur son poignet. Lucinda... Ça aurait été comme renier l'amour de sa vie partie trop tôt... Norah avait conscience d'avoir la chance de ne pas avoir à cacher cela. Ni le tatouage, ni l'histoire qui accompagnait le prénom. Norah était ouvertement bisexuelle et personne ne lui demandait de ne pas l'afficher. Vic, elle, ne devait pas seulement cacher son corps. Elle devait aussi cacher qui elle aimait. Absolument tout ce qu'elle était. Et malgré son importance dans la famille, elle ne savait pas comment aider sa cousine. Tout ce qu'elle avait pu tenter, par le passé, n'avait fait que rendre les relations avec son oncle Arthur plus tendu encore. Alors, comme tout le monde, Norah avait fini par se taire et fermer les yeux. Elle détestait toujours autant jouer ce jeu pourri.

Les deux jeunes femmes étaient au moins dans le même bateau sur ce point : contrainte de jouer un rôle qu'elles n'aimaient pas, face à un homme qui les répugnait. Une bien piètre consolation pour celle des deux qui devait travestir tout ce qui faisait d'elle la femme qu'elle était. Norah avait toujours profondément détesté que sa cousine ne soit pas libre d'être celle qu'elle était. Pour elle, Vic était magnifique. Belle, intelligente, drôle. Elle avait un caractère affirmé qui plaisait énormément à la blonde qui n'avait pas froid aux yeux non plus. Elle aimait que sa cousine soit une personnalité à part et ne voyait pas en quoi sa sexualité ou son amour des modifications corporelle ou même son style très androgyne, devait être une chose non appréciable dans une société trop proprette sur des apparences fausses. Il n'y avait qu'à voir Norah elle-même. Oooh quand on regardait de loin, on voyait l'image d'une famille parfaite. Un couple qui dure, deux filles promises à de grands avenirs, dans une famille prolixe. Mais dans le fond, c'était un homme avec un lourd héritage à maintenir, une épouse trop jalouse qui s'était réfugiée dans l'alcool, une fille qui avait suivi l'héritage familiale et vendait le corps de pauvres filles sans le sous contre de fortes sommes et une gamine qui tomberait de haut quand elle découvrirait que son père et sa sœur n'étaient pas aussi parfaits qu'ils semblaient l'être. Et hormis les actes illégaux, ils ne cherchaient même pas à cacher combien leur famille pouvait parfois s'avérer dysfonctionnelle, sinon complètement à côté de la plaque... Pourquoi aggraver les choses en créant des complications encore plus stupides ? Et puis, tout ça pour quoi ? Pour donner l'image d'un homme qui a réussi ? Aux yeux de qui ? La société ? Le nom McCalls lui-même suffisait à donner à n'importe qui l'image de la perfection. Alors, qui ? Grand-père ? Aussi vieux jeu qu'il pouvait l'être, grand-père n'était pas idiot. Il savait pour Vic. Tout le monde savait pour Vic. Il n'y avait qu'un idiot pour ne pas savoir dans cette famille. Jouer ce jeu de dupe rendait Norah dingue, certains jours... Mais tant que sa cousine s'y pliait, elle avait fait le choix de faire comme tout le monde. Prétendre que tout ça n'était rien de grave et que c'était plus simple ainsi. Fermer les yeux et serrer les dents pour cette fille qui ne pouvait pas se montrer comme elle était vraiment...

Norah haussa les épaules à la question de sa cousine. Sans doute qu'il s'y attendait, oui. La plupart de ces abrutis avaient tellement de filles ambitieuses qui leur tournaient autour qu'ils en oubliaient que toutes les femmes ne voulaient pas, ni pour son fric, ni pour son pouvoir dans le monde du show business et encore moins pour sa verge. Honnêtement, la blonde ne pensait même pas que quelconque femme puisse réellement vouloir de lui, sans espérer obtenir la richesse ou la célébrité en contrepartie. Elle hocha ensuite la tête après une petite réflexion. Oui. Probablement qu'avoir un compagnon au bras les sauverait un peu... Et encore, elle n'en était même pas sûre. Elle se souvenait d'avoir vu, un jour, un producteur pincer les fesses de sa mère quand on père avait le dos tourné. Norah n'avait pas plus de six ans à l'époque. Sa mère avait ri, avant de lui taper sur la main en lui disant qu'elle n'avait pas besoin de ses faveurs pour obtenir un rôle. « Mon mari veille à ma carrière », avait-elle dit avec un sourire. La blondinette pensait parfois que cette phrase était un peu révélatrice des ambitions de sa mère, même si celle-ci avait été réellement amoureuse de son père.

Norah soupira une nouvelle fois quand Vic plaida que l'étiquette lesbienne aurait pu aider, avant de se raviser en pensant aux fantasmes que cela induisait chez certains. « Ne m'en parle pas. Avec Lucy, on n'était jamais tranquille. Dès qu'on s'embrassait en public, il y avait toujours un abruti pour nous demander si on voudrait pas rajouter un pénis à notre soirée. Comme si on avait absolument besoin d'un mec pour prendre notre pied. » Elle roula des yeux, avant de remercier d'un signe de tête la brune quand elle lui assura qu'elle pouvait venir la voir en cas de besoin d'éviction. « Toi aussi. Il faut se serrer les coudes. »

Alors que j'étais en train de m'occuper de son tatouage à camoufler, Vic nota que je savais exactement comment m'y prendre. « Une de mes filles a joué dans un film d'action l'année dernière. Beaucoup d'explosions et quelques blessures plus ou moins graves. J'ai pu passer un peu de temps avec les maquilleuses et elles m'ont montré comment faire des plaies plus vraies que natures et comment camoufler des choses. Tatouages, boutons, imperfections en tout genre. C'était amusant et j'ai pris quelques petites astuces sympa. Ça aide bien quand une fille me fait une crise d'acnés un matin avant de monter sur le podium. » Ou quand un abrutis adepte de la strangulation s'entend avec elle pour s'amuser et laisse des marques. Bien sûr, cela avait l'avantage de me rapporter de l'argent, car je faisais payer plus cher en compensation, mais en attendant, ma fille devait rester parfaite pour l'appareil photo ou le podium.

« C'est triste à dire, mais je m'y suis fait. Mon look transpire l'homo sexualité tu comprends, cheveux courts, fringues, et les tatouages au large comme ça c'est signe de délinquance, ben oui, les clichés ont la vie dure ! » « Ton look est le tien. Et pour ce que ça vaut de la part de ta chère cousine, t'es franchement sexy pour un cliché de lesbienne. » Norah lui sourit avec amusement. Et alors qu'elle avait presque terminé de faire disparaître l'objet du délit, elle leva les yeux, rougissant un peu devant la demande. « Oh... Je... J'en serais ravie. Ça serait un honneur. » Elle ne dessinait pas de manière professionnelle. Elle n'avait jamais eu l'ambition de devenir artiste. Bien sûr, elle avait exploité quelques-uns de ses dessins avec les années (un tableau pour son père, une coque de portable pour sa sœur, des gribouillages dans des cahiers ou des agenda ci et là), mais elle n'avait jamais dessiné quelque-chose destinée à rester à jamais sur la peau de quelqu'un. Personne n'avait eu ce désir là jusqu'à présent. Alors, oui, c'était un honneur que Vic le lui demande.

Norah ne put retenir un rire à la remarque de sa cousine. C'est vrai que la belle androgyne avait largement de quoi faire à son travail sans avoir à supporter ce qui allait avec le reste de l'attribut masculin. Si Norah pouvait s'ennuyer au final avec une verge artificielle, elle savait que sa cousine, elle, n'aimait aucunement l'homme qui pouvait aller avec l'engin. Elle était totalement lesbienne, pas même un peu curieuse de l'autre sexe, alors Norah se disait que ce devait être encore plus ennuyeux pour elle, chaque fois qu'elle se faisait aborder par un homme.

Finalement, Vic argua que le meilleur plan était encore de se faire passer pour un homme et la blondinette sourit, malicieuse, avant de hocher la tête. « Probablement, oui. » C'était, là encore, sans doute, le meilleur moyen de se protéger de ce genre de pervers. Faire croire qu'on était un homme. Trop tard pour ça, malheureusement. Tous les gens qui voulaient travailler avec nos parents en apprenaient un maximum sur leur famille. Une sorte de léchage de botte dans les règles de l'art. Ils savaient donc toujours que le géniteur de Norah avait deux filles, quand on frère aîné avait une fille et un garçon. Comme c'était majoritairement des hommes, à chaque soirée, ils cherchaient à rencontrer « les demoiselles McCalls », expliquant notre présence obligatoire quasi-systématique de chaque soirée professionnelle.

Norah rit un peu encore quand Vic s'amusa en disant qu'elle pourrait rajouter ''maquilleuse professionnelle'' à son Curriculum vitae. « Pas vraiment. J'ai encore besoin de pratiquer des heures et des heures pour être vraiment douée, mais j'avoue qu'à chaque fois que j'en ai l'occasion, je demande un complément de formation pour le camouflage des imperfections. C'est vraiment très pratique, tant pour mon image que pour celle des filles avec qui je travaille. » C'est vrai que c'était un atout indéniable de pouvoir pratiquement tout camoufler pour toujours se montrer sous son meilleur jour. C'est aussi ce qui faisait que Norah avait la réputation, dans le milieu, d'avoir les plus belles filles sous contrat.

Avouant sans mal à sa cousine qu'elle la trouvait très sexy, Norah hocha ensuite la tête avec tout autant d'assurance quand Vic argua qu'elle pourrait faire un malheur en tant que mannequin. « Tu plaisantes sur le sujet, mais tu ferais effectivement un malheur. Toi et moi on pourrait gagner très gros si tu te décidais à te lancer. » Elle sourit en commençant à ranger dans la trousse tout son maquillage. « Je te préviens, si tu t'avises de signer avec quelqu'un d'autre que moi, je t'en voudrais pendant longtemps et te le ferais payer. » Avec toute autre personne, elle aurait dit cela sérieusement, avec une menace très sensible dans la voix, mais elle parlait à sa cousine et elle savait qu'elle pouvait plaisanter sans s'inquiéter. Personne dans la famille ne la laisserait signer avec personne d'autre, de toute manière et Norah serait toujours la mieux placer pour veiller à ses intérêts. L'une comme l'autre le savait. Un mauvais agent pouvait toujours faire les mauvais choix et ruiner la carrière de son mannequin. Norah se targuait – non sans raison – d'être la meilleure agent du moment. « Si tu as envie d'essayer un jour, même pour t'amuser, fait le moi savoir. Je t'organiserais un photoshoot. Ça pourra te faire de belles photos à montrer, sans que tu ne sois déguisée », ajouta la blondinette en pointant la perruque. Parce que de belles photos de mannequins, ils en avaient tous. C'était un peu un passage obligé dans la famille. Avoir de beaux portraits à montrer pour que papa et maman puissent fièrement exposer leur progéniture. Si Norah et sa petite sœur étaient des plus naturelles sur celles-ci, Vic avait dû se grimer, elle, pour que son père puisse être fière de les montrer.

Et puis la brune demanda à sa cadette si elle voulait bien lui dessiner un tatouage et Norah accepta, ravie, honorée, mais surprise. Vic assura qu'il serait génial d'avoir quelque-chose d'elle sur sa peau et la blonde rougit un peu en cachant son visage en se penchant pour remettre la trousse dans le placard sous l'évier. Norah rougissante, ce n'était pas quelque-chose auquel on assistait tous les jours. Elle hocha la tête ensuite. « D'accord. Oui. Plus j'aurais de détails, plus je pourrais faire un dessin qui te plaira vraiment dans tous les traits. » C'était important, les détails, pour dessiner quelque chose de réellement parfait. Si la symbolique devait être forte, si le dessin signifiait quelque-chose d'important, alors il fallait mieux que Vic lui donne un maximum de détail pour que la jeune femme puisse le visualiser au mieux et faire un dessin qui serait réellement parfait pour sa cousine.

« Et voilà ! », dit-elle en se redressant, regardant l'heure. « Je pense qu'on peut encore rester caché ici quelques minutes. Le repas devrait être servi ensuite et je sais que Papa c'est arrangé pour qu'on soit le plus loin possible du pervers. On devrait être tranquille jusqu'au digestif et après ça... On pourra feindre n'importe quoi pour quitter la fête. »

Norah comprenait bien l'idée de sa cousine et elle ne doutait pas que la jeune femme puisse se travestir en homme aussi facilement qu'elle était passée maîtresse dans l'art de se travestir en femme du monde. Un talent au sens strict dont elle n'était même pas certaine que Vic avait conscience. Malheureusement, si l'idée était parfaite la plupart du temps, impossible de l’utiliser en famille. Les frères McCalls parlaient allègrement de leurs filles et aucun n'aurait permis que les filles apparaissent ainsi masculinisées.

Comprenant qu'elle s'était mal exprimé, Norah secoua la tête quand Vic lui demanda si elle s'occupait de maquiller toutes les filles. « Oh non ! Tout ce qui est maquillage pour les séances photos ou les podiums est l'affaire de maquilleurs professionnels que je paye à leur juste valeur. C'est juste que je suis une éternelle pointilleuse. » Elle sourit d'amusement. « J'aime avoir l’œil sur tout et tout valider avant de les laisser se montrer et les filles... Et bien, naturellement, quand tu es conditionné par un métier pour toujours te montrer sous ton meilleur jour, tu refuses même de montrer un bouton mal placé à un maquilleur alors quand il est question de camouflage, elles viennent plus facilement vers moi que vers la personne que je paye pour ça. » Un moindre mal, Norah ne pouvait que le reconnaître. La demoiselle dominait son entreprise d'une poigne de fer et détestait devoir laisser la main à quelqu'un d'autre, même pour quelque chose d'aussi stupide qu'un maquillage. « Si j'avais assez de main et de temps dans la journée, je crois que je serais capable de prendre tous les postes, du maquillage au shooting, pour être sûr que c'est parfait. Je suis un peu obsessionnelle. » Un peu était peu dire. Elle l'était complètement, mais c'était ce qui avait fait sa puissance, après tout.

La jeune héritière blonde sourit de nouveau à sa cousine quand elle avoua que cela pourrait être amusant de faire des photos. Elle hocha la tête en ajoutant : « Parfait ! Je sais déjà qui appeler pour le faire. Tu verras. Il est parfait pour ce genre de photos et il traite le corps des femmes comme personne. Tu as déjà dû voir quelques-unes de ses œuvres, il est spécialisé dans le nue et a fait récemment une série avec des femmes mutilées par la maladie. » Il n'avait pas son pareil pour transformer n'importe quoi en œuvre d'art. Des seins dévorées par la maladie, des courbes ravagées par la boulimie... Il avait fait des séries avec des femmes « hors normes » véritablement magnifiques. Norah pensait qu'il était un vrai amoureux du corps féminin. Le meilleur homme au monde pour voir la beauté d'une femme. En fait, elle ne pensait jamais avoir vu un homme aimer autant les femmes et pourtant, il était totalement gay.

Quand le sujet fut abordé d'un dessin pour un tatouage, Norah se montra moins sûre pour la première fois depuis le début de la conversation, faisant ouvertement rire Vic qui lui demanda si elle était vraiment en train de rougir. Et comme toute personne dans cet état, elle sentit le feu de ses joues se décupler. « Ne te moque pas », demanda-t-elle, à mi-chemin entre l'ordre de la femme de pouvoir et le gargouillis de la fille peu sûre d'elle. Si elle dessinait tout le temps et partout, elle ne montrait presque jamais ses œuvres. A peine quelques dessins sur instagram pour montrer qu'elle avait aussi ce talent là, mais la plupart de ses dessins étaient beaucoup trop intimes pour qu'elle les dévoile à qui que ce soit. Les courbes de gens qu'elle avait aimé, principalement. Beaucoup de portraits, beaucoup de coups de crayon non réfléchis qui lui rappelaient un amour perdu, ou un tortueux. Si ces dernières années, Lucinda avait été son sujet principal, de dessin comme de gribouillages, depuis quelques temps, elle s'était surprise à dessiner des traits masculins, des boucles brunes, des taches de rousseurs. Un regard froid et implacable, des lèvres douces... Un véritable crève cœur qu'elle continuait encore et toujours pourtant de se mettre sous les yeux et sur les doigts, comme pour se faire plus de mal.

Secouant la tête pour chasser ses pensées, elle se mordit la lèvre. Et puis lorsqu'elle la lâcha, c'est sa joue qu'elle mit entre ses dents, alors que ses doigts se figeaient une seconde dans leur action, alors qu'elle allait ouvrir le robinet d'eau pour se laver les mains. Elle chercha rapidement quelque chose à dire, refusant de laisser l'image derrière ses paupières rester trop longtemps. « Mon cœur ? » Elle eut un rictus triste, avant d'ouvrir le robinet d'eau pour terminer l'action prévue. « Mon cœur est enterré avec celle à qui je l'ai donné. » Frottant le savon contre ses doigts, Norah haussa les épaules. « Et j'aime assez changer régulièrement ce qui chauffe mon lit. » Même si j'avais quelques réguliers et régulières, comme ma Tiger Lily, j'aimais autant avoir un homme entre mes jambes qu'une femme entre mes bras, alors je ne m'embêtais ni à choisir, ni à restreindre. De toute manière, mon cœur brisé n'était plus capable d’aimer, après tant d'échecs douloureux.