J'aimais déjà ton délire et tes façons.. girl
J'me dis c'est quoi ce corps qui met la pression...
Monté comme un piston, j'suis en pôle pôle position.
Une voix acide vint crever le silence de la maisonnée.
« Il est où ce petit con ? ALOYSIUS ! Espèce de cornichon, MONTRE-TOI ! »Les yeux ronds comme des billes, Aloysius se redressa d’un seul coup, nu comme un ver. Sa terrifiante tatie était juste là, derrière la porte, martelant tout son soul le panneau de bois. Tétanisé à l’idée de se faire réprimander, Alo jeta un oeil alentour pour trouver une solution. Une issue.
À ce stade, un trou de souris suffirait.
Et soudain, le silence se fit. Plus que de l’appaiser, cette constatation le terrorisa littéralement. S’il n’avait pas fait pipi juste avant, sans doute aurait-il réchauffé son entre-cuisse et mouillé le tapis de bain.
D’où sa sorcière de tata allait-elle sortir ? Le silence devenait pesant.
Un cliquetis caractéristique se fit entendre dans la serrure et sans même prendre le temps de réfléchir, Alo attrapa ses vêtements sur le sol, ouvrit la fenêtre de la salle de bain et les jeta dehors. Puis, il sauta à son tour.
Belle connerie.
Il termina le cul dans les ronces, les dents enserrant sa lèvre inférieure. Alo se dégagea tant bien que mal, le popotin et les joyeuses terriblement irritées. N’y tenant plus, il se jeta sur le gazon, les mains sur le derrière tout en se contortionant comme un ver. Un cri déchiré transperça ses lèvres et il couina comme un chiot malade.
Bon Dieu mais que faisait cette saleté sous la fenêtre ?!
Il ne fallut que trente secondes tout au plus avant que sa tante arrive en baragouinant dans sa barbe des paroles quasi inaudibles.
«Sei un fesso, lo sai?»En dégageant son visage de l’herbe qui lui chatouillait le pif, il distingua la silhouette de sa tante. Mais ce n’était pas Olga. C’était Margarita.
Avec ses punchlines italiennes, elle ramenait à son bon souvenir son italien de mari Roberto, électrocuté avec son repas. Paix à son âme.
En attendant, peut-être Alo était-il sauvé.
Elle le contempla un moment, parfaitement excédée. Le claquement régulier de ses ongles contre le crépis de la maison attesté de son impatience.
«Dépêche-toi de t’habiller cretino ! Cul nu dans le jardin, on aura tout vu !»Elle l’attrapa sous les aisselles et le releva sans la moindre délicasse puis lui fourra des vêtements propres dans les mains.
«Ta tante veut te tuer. Va t’en vite avant de finir en brushettas !»Les yeux brillants de douleur, Alo tentait tant bien que mal d’enfiler de quoi ne pas traumatiser les enfants du voisinage. Pendant ce temps, Margarita fourrait un tube de pommade dans un petit sac en toile violet qu’elle tendit à son neveu.
«Bouge-toi les fesses, ta tante va finir par passer par la fenêtre de la salle de bain !»Margarita avait donc enfermé sa propre soeur pour laisser à Alo le temps de fuir. S’il n’avait pas été trop occupé à fustiger contre la sensation irritante de son slip sur ses joyeuses douloureuses, il aurait sans doute été touché par tant de gentilesse.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que tata Margarita avait le sens du sacrifice.
Alo se redressa, enserré dans ses fringues désormais trop étroites. Son pantalon extra-slim lui arrivait au-dessus des chevilles, son tee-shirt avait tourné au rose délavé et laissait entrevoir son bas ventre et sa veste était désormais à la taille d’une gamine de 12 ans.
Autant le dire, il n’aurait pas détonné dans un remake de «La cage aux folles».
Accablée, Margarita se mordit la lèvre et se mit à fustiger contre sa nouvelle machine à laver. Il semblait évident qu’elle ne maitrisait pas encore la bête.
«Va chercher des vêtements dans ta chambre et change-toi vite !»Alo se mit à courir vers sa chambre, mais au détour d’un couloir, il se retrouva face à sa plus grande peur: Tata Olga, toutes griffes dehors, la mâchoire serrée et les yeux révulsés. Elle ressemblait à s’y mépendre à un mélange entre le yeti et Casimir. Dans un ultime geste de survie, il se mit à courir en sens inverse pour s’éloigner du danger qu’elle représentait. Peut-être tirerait-il avantage de la hanche en plastique de sa tante? Dans tous les cas, il le savait : s’il se faisait attraper, sans doute risquait-il une séquestration pure et simple avec comme seule occupation l’écriture du tome 3 et pour repas un croûton de pain raci et un verre d’eau tiède.
Se faire la male était sans aucun doute une question de survie.
Il se mit à courir comme un dératé, attrapant au passage une veste au hasard sur le porte manteau de l’entrée. Sur le chemin de la fuite, il vit sa tante Margarita, son sac violet tendu vers lui. Il l’attrapa du bout des doigts et eu à peine le temps de lui coller un gros bisou sur la joue qu’il se remit dans sa course effrénée, brayant au passage un petit :
«BISOUS LES TATAS !»À bout de souffle, Olga s’arrêta net au bout de cent mètres. Alo, lui, continua encore un moment, conscient que plus il mettait de distance entre eux plus il serait sûr de se réveiller le lendemain.
__________________________________________________
Quelques heures plus tard...
__________________________________________________
«... En tous cas, je suis là ma petite poule. C’était quoi tes deux autres voeux ?»Accoudé au bar, Alo s’activait depuis un peu plus de dix minutes à séduire la jeune asiatique en face de lui. Son visage était marqué d’un grand sourire jaunasse et carié et il lançait à sa douce des coups d’oeil langoureux. Un être humain normal aurait plutôt considéré ça comme des tremblements incontrôlables de la paupière, mais passons.
Si les yeux de la jeune femme avaient pu tirer des balles, sans doute Alo ressemblerait-il à un gruyère. Bien heureusement, il n’en avait que l’odeur.
Pour toute réponse, il n’eut droit qu’à un haussement de sourcil et à un soupir consterné. Mais loin de décourager Alo, cela ne fit que le pousser à redoubler d’efforts.
«Ta robe est magnifique, ma tata Olga a des rideaux avec le même motif.»Il ignorait pourquoi les femmes étaient à ce point difficiles à convaincre. Comment se faisait-il que les maternités soient pleines alors qu’il était si compliqué d’obtenir un simple sourire ? Avec toute la verbe dont il faisait preuve, Alo s’était attendu au moins à un numéro de téléphone griffoné au dos d’un serviette.
Un mur. Cette femme, aussi splendide soit-elle était un mur.
C’est à ce moment-là qu’Alo eut un éclair de génie. Muette, peut-être ? Mais oui ! C’était probablement le cas, et elle était trop timide pour l’exprimer d’une quelconque façon. Mais Alo n’en était pas à son coup d’essai. Il savait comme s’y prendre.
«En tous cas, tu sais j’adoooooreeee les nems. Miam miam, c’est un régal.»Il accompagna son plaidoyer d’une série de gestes destinés à ce qu’elle puisse le comprendre. Après tout, en plus d’être muette peut-être était-elle sourde ? Sinon, pourquoi resterait-elle à ce point impassible face à cette explosion de charme ?
«Et toi ? Tu aimes les chiens, non ? Moi aussi j’aime les chiens, regarde mon petit Brutus.»Il sortit Brutus de son écharpe de voyage et le déposa sur le comptoir. Pour une fois, la jeune femme sembla se réveiller et elle afficha un petit sourire attendri en voyant le petit chien. Elle s’approcha un peu, tendit la main vers l’animal mais fut arrêtée dans son geste par Alo qui s’interposa entre elle et Brutus. Étonnée, elle fixa Alo comme s’il venait de chier dans ses escarpins.
«Ah non, toi pas manger Brutus, d’accord ?»Il accompagna sa phrase d’un grand rire. Il fallait dire qu’il était fier de cette boutade. Elle était poilante. Comment pouvait-elle décemment résister à un être si facétieux ?
L’asiatique lui lança un regard aussi noir que l’ébène de ses longs cheveux accompagné d’un sourire qu’Alo jugea comme encourageant.
N’importe qui d’autre aurait compris qu’elle commençait à scénariser la mort de ce petit con. Strangulation, noyade, explosion de crâne à coup de marteau, elle commença à se redresser quand quelqu’un enroula son bras autour des épaules d’Alo. Ce dernier fut surpris et se détourna un instant de sa douce asiatique pour tomber nez à nez avec un blondinet aux traits approximatifs et au sourire un peu trop blanc pour être naturel.
«Dit mon lapin la prochaine fois que tu ramènes une nana à la maison tu me préviens, que j’aille dormir ailleurs. Parce qu’à la faire crier toute la nuit moi j’ai pas pu dormir. Ou bien tu t’arrêtes au bout de quelques orgasmes quoi... Enfin bon si elle réclame comme cette nuit et bien... Tu m’offres des boules quies !»Alo ressemblait à peu de chose près à un spectateur d’un match de tennis. Son regard naviguait entre la jolie asiatique et l’étranger. Pourquoi avait-il fallu qu’il vienne le déranger au moment où il allait enfin réussir à la faire céder ?
L’étranger lui tapota l’épaule et saupoudra son intervention d’un
«Tu seras gentil !» avant de se plonger dans l’alcool. Alo était partagé entre l’irritation d’avoir été interrompu et la consternation que lui inspirait cette situation. Pauvre garçon, il ne pouvait tout de même pas le laisser s’enfoncer comme ça.
«Excuse-moi l’ami, mais je crois que tu t’es trompé de personne. Je n’ai pas le plaisir de te connaître.»Cet homme avait tellement bu qu’il confondait Alo avec son collocataire. S’il n’avait pas été trop occupé à draguer sa jolie asiatique, sans doute Alo aurait-il prit le temps d’apporter son soutien à cet accro de la bouteille, mais il était à deux doigts de conclure, alors...
Alo se pencha vers l’étranger et lui tapota l’épaule à son tour, puis il s’adressa au barman et commanda un café bien serré pour son voisin.
«C’est dur de lutter, mais tu parviendras à t’en sortir mon ami.»Il lui adressa son plus beau sourire et après une dernière tape sur l’épaule, il se retourna vers sa chère et tendre dulcinée...
«Bien... Oh !»Alo se boucha soudain le nez et fixa la jeune femme. D’une voix nasillarde, il déclara:
«Oh mais… quelqu’un a pété ! Sortons d’ici prendre l’air, ça te va, Mulan ?»Une gifle plus tard, Alo vit des étoiles se dessiner tout autour de lui. Était-il au ciel ? Flirtait-il avec un ange ? Il ne saurait le dire mais une minute plus tard, sa dulcinée avait disparue, de même que la dignité d'Alo.
Par contre, son mal de joue, lui, était bel et bien présent.
made by roller coaster